Un album de noël, et c’est un fait, ne fera jamais le même effet en France qu’aux Etats-Unis. Chez Nous, il y a eu Tino Rossi et son « Petit Papa Noël » et chaque année, de grosses boules en carton dans l’allée centrale de notre supermarché et… C’est à peu près tout ! Là bas, Noël éclate à chaque coin de rue et l’exercice du « Christmas Album » est un passage presque obligé pour tout chanteur ou musicien qui se respecte, et ce, qu’il soit issu de l’opéra, du blues, du jazz ou du rock et même récemment du Métal. Bob Kulick s’y est collé en invitant en 2008, pour le meilleur (le « We Wish You A Merry Christmas » de Soto) comme pour le pire (« Silent Night » par Anthrax) la crème du metal actuel. Cela ne s’explique pas ! Au pays du « Larger Than Life », les chants de Noël réjouissent tout un chacun sans jamais paraître niais ou déplacés. Ils illuminent le quotidien en cette période et ces albums rameutent un bien plus grand public que chez nous.
Cet avant propos illustre bien le présent sujet. Rob Halford avait ce projet en tête depuis de nombreuses années déjà, et adapter des titres qui avaient bercé son enfance lui tenait à cœur. Mais avant même l’arrivée de ce « Winter Songs », de nombreux fans du Metal God ont crié au scandale, voire à la grande supercherie et l’album était déjà sacrifié sur le grand autel de l’intransigeance avant sa sortie dans les bacs : « On ne peut pas avoir les cheveux long et posséder un album de noël ». Alors, ôtons un instant nos oeillères et nos écouteurs réglés en mode Metal bourrin ! Et écoutons. Car il y a du bon dans ce Halford 3.
Ne changeant pas une formule gagnante, Halford retrouve les furieux musiciens de sa formation solo, si ce n’est que ce coup-ci Roy Z lui-même, compositeur, producteur et guitariste de renom vient taquiner la six cordes aux côtés de Metal Mike Chlasciak. Autant dire que niveau musical, même si la production est bien plus lisse (on croirait entendre le groupe jouer derrière une vitrine, embuée pour l’ambiance) ça joue sévère.
D’ailleurs, fans de métal pur et dur, les trois premiers morceaux sont pour vous. Même si on peut reprocher un manque de jus (Noël oblige) « Get Into The Spirit », doublé à l’octave par un Halford en grande forme fait son petit effet et nous replonge avec « We Three Kings » dans un metal comme en faisait Priest début 90’s. Sur la fin du premier titre (parsemé d’accords de piano surprenants) Jarzombek se paye même le luxe de s’amuser avec ses cymbales en tenant une rythmique de plomb. Le Mid Tempo « Oh Come O Come Emanuel », débute très fort et sa mélodie très NWOBHM (mais pas méchante pour deux sous) s’accorde très bien avec l’organe exceptionnel du chanteur. Puis, après cela, Rob nous offre autre chose, une musique parfois assez éloignée de son terrain de chasse favori.
Certains titres font mouche et on se plait à retrouver Halford dans ces registres qui savent mettre son talent en exergue à l’instar d’un « Winter Song ». Cette compo très personnelle, émaillée de piano et de guitare sèche est réellement prenante. Dommage que des drum loops aux allures de porte qui claque viennent gâcher une partie du morceau. « What Child Is This ? », sur l’air du célèbre « Greensleeves » est une autre réussite et retrouve même un nouveau souffle au son de la voix de Rob et d’une rythmique tribale. Dommage que le passage instrumental soit si court. Deux autres titres peuvent encore sortir du lot comme le « Come All Ye Faithful» final, sorte de version chantée avec force conviction de « God Save The Queen » et le rock n’ roll « I Don’t Care » qui rappelle, en moins fulgurant, l’ambiance d’un « Johnny B.Good » à la Priest.
Par contre, « Christmas For Everyone » et ses allures de rock fourre tout, heureusement court, fait peine à entendre. Il en va de même de la ballade « Light Of The World » qui ne casse pas trois pattes à un renne ou d’un « Holy Light » plein de guimauve et autres bons sentiments. Alors bien sur, pour chacun des titres cités, le groupe ne se contente pas d’interpréter. Il se les approprie, les adapte et leur donne une nouvelle couleur. Et c’est peut être là où le bât blesse. Car même si la démarche est honnête et prouve le talent de l’artiste, à vouloir ne pas tout « métaliser » à tout prix, garder une âme à chaque chanson, « Winter Songs » manque d’unité et d’équilibre. Il y a un monde entre le début et la fin cet album. Car c’est bien là, plus que sur le débat autour du thème de Noël (contrairement à d’autres, cet album peut s’écouter toute l’année, même l’été sur la plage), que ce troisième opus révèle sa faiblesse.