Il est temps de réhabiliter "Duke", car ce disque mérite beaucoup mieux que la réputation que l'on a voulu coller à tout ce qui est Genesis post-Hackett. Ce disque est très bon et mérite sa place dans la discothèque de tout fan de Genesis.
En 1980, le groupe est virtuellement mort. Les trois musiciens restants se sont échoués sur le récif de "...And then there were three..." et personne ne s'attend à le voir renaître. Banks et Rutherford ont chacun sorti un album solo, et Phil Collins, effondré par l'échec de son mariage, ne fait plus de musique ou presque. Pourtant, les trois amis se retrouvent pour soutenir Phil et se mettent à jouer ensemble. C'est ainsi qu'ils composent, au fil des impros et des journées, un immense morceau intitulé "Duke". Fait de solos construits en fugue comme les affectionne Tony Banks, cassé par des breaks lents et mélodieux, orné de perles rythmiques d'un Phil Collins invincible sur son instrument, cette suite de "Duke" est inspirée par les mésaventures de stars des trois compères : le star-system, les fans, les médias, et les effets pervers sur la vie privée dont Phil fut la principale victime au sein de Genesis. De quoi fournir la matière à des paroles acerbes.
En définitive, les trois membres revigorés décident de construire un album autour de cette suite. Phil s'est mis à écrire des chansons inspirées de son divorce et il les divisera entre cet album et son futur premier album solo. Rutherford colle quelques rocks (dont le meilleur reste le râpeux et syncopé "Man of our times"), Banks quelques ballades au piano. La suite "Duke" est éclatée en plusieurs morceaux qui s'enchaînent plus ou moins autour des autres chansons, et l'album devient une sorte d'album-concept souple.
Au final : une vraie réussite. L'équilibre ballade-délires est parfait et les trois musiciens sont en parfaite osmose. Trois superbes reprises de thèmes émaillent l'album pour le rendre homogène et faire sauter le coeur du public au moment où ils reconnaissent la mélodie du début. Pour les trois amis, un nouveau souffle est trouvé, ainsi qu'un sacerdoce : ne plus jamais se recopier et s'auto-parodier, il faut voir de l'avant, quitte à changer de son et d'image. Car le son est désormais plus 80, finis les sons étouffés des 70's, mais si l'Hammond a disparu c'est au profit d'un synthé qui lui ressemble et le groupe reste le même.
En bref, "Duke" est tout simplement un très bon album capable de rivaliser avec la paire "Trick of the Tail"/"Wind & Wuthering", car il a beau être moins mélancolique et ciselé, il est plus homogène et cohérent. De quoi faire découvrir de nouveaux horizons aux fans des premiers albums de Genesis.