Le temps fut long pour Engineers avant de pouvoir sortir leur dernier bébé « Three Fact Fader ». Contrarié par des soucis de perte de label, cet album pourtant fini trois ans plus tôt, aura finalement connu une remise en liberté cette année après celle de leur premier éponyme début 2005. Des atermoiements qui n’ont en rien altéré l’envie, la volonté de ses trois ingénieurs, comme ils se qualifient eux-même, de construire avec méticulosité ces « merveilleux murs sonores ».
Même si Engineers prétend se démarquer des influences de ses premières livraisons, la musique de « Three Fact Fader » flotte ici non loin du shoegaze de My Bloody Valentine. Un album à l’image de la pochette aux couleurs bariolées où chaque instrument se love aux autres, empreint d’une volupté que l’on pourrait rapprocher des frenchies du groupe Air. Comme un voile éthéré, des claviers omniprésents enveloppent ces quelques mélodies qui prennent alors un aspect céleste au même titre que les guitares qui elles-aussi participent à cette nébulosité, parfois jusqu’à créer des élans post-rock qui ne sont pas sans rappeler Explosion In The Sky comme sur le final de « Brighter As We Fall ».
Souvent le tempo se fait leste, alimenté par des basses rondes, chaudes, aux pulsations entraînantes – notamment sur le titre introductif « Clean Coloured Wire » qui prend des allures d’électro-rock. Mais lorsqu’ Engineers préfère prendre son temps, il s’exprime alors à la manière des Italiens de Nosound, avec indolence. Le chant de Simon Phipps est en partie responsable des ambiances lymphatiques de « Three Fact Fader ». En murmurant ses paroles, restant sur le même registre sans jamais changer d’un iota, Phipps n’inspire pas une grande vivacité, mais plutôt un lent processus vers la béatitude.
Définitivement, Engineers ne fait pas de grande vague avec « Three Fact Fader », à peine quelques remous comme pour exprimer avec plus de vigueur un bien-être partagé. Et même si l’album a tendance à s’essouffler légèrement sur la fin, il arrive dans son ensemble à créer un univers attrayant d’une belle quiétude. De quoi porter Engineers dans des sphères peuplées d’une plus large audience.