Le prog' à la française, c'est ça : du jazz-rock fusion boosté à l'ésotérisme et à la folie. Magma en est le plus bel exemple. Quand le groupe sortit ce premier album, deux traits le caractérisèrent aussitôt : techniquement génial et intellectuellement très dangereux.
Dans ce premier album-concept (tous les albums de Magma se suivent et racontent une même histoire), les kobaïens déclarent que la terre doit mourir et disparaître avec l'humanité. Ils s'enfuient à bord de leur vaisseau pour rallier Kobaïa, la planète où une nouvelle civilisation sera créée. Les textes chantés en kobaïen, la langue spontanément inventée par Christian Vander, ressemblent plus à de violentes et jouissives incantations. Âmes sensibles s'abstenir.
Dès la première seconde, le rythme est endiablé. Un groove jazz incroyable, percuté par la batterie, le piano, la contrebasse et la guitare, tous exploités dans un angle rythmique. La mélodie appartient à la voix de Klaus Blasquez et au "bataillon de cuivres". Vous allez tourner autour d'une procession comme un cheyenne autour d'un feu. Les breaks sont là pour inspirer la paix d'esprit des kobaïens à coups de solos de magnifique saxophone soprano, clarinette, ou cuivres en choeurs. A la rigueur, Christian Vander (dont le nom kobaïen est Theius Bingoh) scandera la foule pour l'exhorter à le suivre dans sa mélopée nihiliste et fantasque.
Tout au long du double-album, vous serez progressivement changé en citoyen de Kobaïa, au rythme obsédant des breaks de jazz, des rythmes à vous faire balancer la cage thoracique, et des saxs hystérisants. Vous ne connaîtrez de répit que lorsque le Magma Orkestrah vous autorisera une transe de longs solos d'instruments à vent sur des mélodies déchirantes.
Magma est de la pure folie, cent pour cent provocatrice et émancipée de tout raisonnement bien-pensant, affranchi de toute limite et de toute idéologie autre que faire la musique la plus décadente possible. Bienvenue parmi les kobaïens, mon frère.