1968, l’ombre du Zeppelin plane sur l’Angleterre, Hendrix met le feu à sa guitare et joue avec les dents durant des concerts dantesques, les Stones et les Beatles font un tabac avec les respectifs Rock n’Roll Circus et le fameux double album blanc et Woodstock se préparent : la Grand île est en plein essor musical.
Pendant ce temps, un grand et maigre moustachu maltraite son piano dans son appart avec son pote Chris Curtis. Cet homme, Jon Lord, gagne sa croute en jouant avec les Flowerpot Men. Les deux amis cherchent à voler de leurs propres ailes et contactent rapidement Nick Simper qui vient tenir la basse. Ce dernier tente de convaincre un guitariste réputé pour sa rapidité et son style unique, un certains Ritchie Blackmore, qui arpente les caves germaniques en cherchant à imposer son style plus heavy. Les musiciens réunis se mettent ensuite en quête d’un chanteur. Après avoir essuyé le refus d’un certain Ian Gillan, ils se tournent vers Rod Evans, chanteur des M.I.5 et fan d’Elvis, et en profitent pour piquer leur batteur, Ian Paice. Deep Purple, baptisé d’après le titre la chanson préférée de Mamie Blackmore, est né.
Les musiciens qui apprennent à se connaître, apportent chacun leurs idées autour de compos et reprises. Le résultat de cette session sort sous le nom de « Shades Of Deep Purple ». Certains titres sont déjà prometteurs comme l’introductif « And The Adress », un instrumental composé par le duo Blackmore /Lord dans lequel les trois futures rock stars brillent par leur jeu unique. Le rythme est lourd et changeant, la mélodie et les soli sont habités. On retrouve ces assauts simultanés de Hammond et Fender sur d’autres prétextes au jam comme « Prelude », dans lequel la basse de Simper est lourde et gluante, ainsi que sur « Mandrake Root ». Ce titre, apporté d’Allemagne par Blackmore, et introduit par un cri de Mandragore, sera l’un des seuls à survivre au Mark I et plonge l’auditeur dans une véritable machine à riffs et un océan de son.
Les reprises, au nombre de trois, ne sont pas mémorables. Le single « Hush » de South, bien moins efficace que la version du Mark II de 1984, sonne très pop et le « Help » des Beatles est tellement lent qu’on croit que le groupe ne le tiendra pas jusqu’à la fin. « Love Help Me » et « One More Rainy Day » sont certes sympathiques mais le répertoire vocal d’Evans, très pop et gentillet, enrobé d’une musique souvent similaire et sucrée étouffe le rock et le mordant qui semblent vouloir émerger par moment.
Si le groupe ne s’était pas imposé par la suite comme une des pierres angulaire du rock dur, cet album aurait sans doute sombré dans l’oubli. Intéressant par moment, tout juste sympathique à d’autres… Deep Purple, en pleine éclosion, se cherche, mais il reste loin du but.