Joliment illustré par « L’Enfer du Musicien » de Jérome Bosh, cet ultime album du Deep Purple Mark I en est sans le moindre doute le meilleur. Lord, Blackmore et Paice se sont trouvés une voie durant les tournées et souhaitent l’imposer. Ils virent leur manager et cherchent, durant l’année 69, des remplaçants au duo Evans/Simper.
« Deep Purple » est l’album de la rupture. Le son se veut un peu plus agressif, l’orgue de Lord apparait soudain plus enroué comme sur « The Painter » dont toute la première partie fut enregistrée puis repassée à l’envers... Original ! La guitare de Blackmore grince de toutes ses cordes dans un « Blind » authentique et très dandy et Ian Paice nous montre enfin tout son talent en fendant de ses toms les ombres de « Chasing Shadows ».
Mais les bons moments ne se limitent pas à cela ! « Lalena », la seule reprise de l’album est sublime. Le chant d’Evans devient poignant et l’orgue de Lord pleure durant les cinq minutes que dure le titre. « April », sans doute la plus belle composition du Purple Mark I, joue dans la catégorie des plus de dix minutes. Ici, chaque musicien donne le meilleur de lui-même et Lord conduit durant quatre minutes un passage classique de grande qualité (flûtes, violons, cor et clarinettes).
« Deep Purple » porte bien son nom et déstabilise par instant l’auditeur, à l’image de l’illustration surréaliste sur la pochette. Cet album possède en son sein des passages habités, bruts et furieusement Rock n’Roll (« Why didn’t Roesmary » ? »). On sent une grande folie créatrice, une envie d’en découdre, un talent en pleine éclosion. Le Deep Purple de « Space Truckin’ » et autres « Lazy » nait ici, c’est indéniable.
Quand cet album sort dans les bacs, Ian Gillan et Roger Glover (tous deux ex-Episode Six) ont déjà rejoint le groupe qui s’apprête à devenir en l’espace de 3 ans, l’un des plus grands de l’histoire du rock. Quoi de mieux pour conclure cette chronique qu’une citation de Ian Gillan : « Quand je les ai vus tous les trois pour la première fois avec leurs coiffures bouffantes et leurs chemises à large col en dentelles, je n’ai pu me retenir d’éclater de rire, il fallait changer tout ça ! »