Le sublime "Tokyo Tapes" a marqué le départ d'Uli Jon Roth de Scorpions. "Lovedrive" est donc le début d'une nouvelle ère, même s'il peut être considéré comme la suite logique de "Taken By Force". Le quintet d'Hanovre va cependant devoir traverser quelques turbulences avant de sortir ce nouvel opus. En effet, c'est tout d'abord Matthias Jabs qui est embauché pour remplacer le guitariste au célèbre bandana, mais surgit alors Michael Schenker. Ce dernier vient de quitter UFO et propose ses services à son ancien groupe qui accepte immédiatement. Mais, étant d'un tempérament instable, il disparaît en pleine tournée, ce qui vaut à un Jabs pas rancunier, d'être rappelé en urgence pour intégrer Scorpions cette fois définitivement.
Voici donc "Lovedrive" doté d'un line-up variant selon les titres, et surtout, affublé d'une nouvelle pochette au goût douteux, ce qui devient une marque de fabrique récurrente. Mais le contenu musical n'en est pas moins de qualité. Les envolées psychédéliques de Roth ont disparu, et si elles laissent un vide, cet album s'en retrouve plus cohérent. Les titres hyper efficaces aux riffs heavy s'installent désormais dans le paysage avec un 'Loving You Sunday Morning' introductif et un 'Lovedrive' , cavalcade au refrain direct et accrocheur, relevé d'un solo signé Michael Schenker. Ils côtoient des morceaux plus agressifs tels que la tornade 'Another Piece Of Meat' ou le cinglant 'Can't Get Enough', le premier cité bénéficiant lui aussi d'un solo de Schenker.
Mais Scorpions ne se contente pas de creuser le sillon entamé sur "Taken By Force". Les allemands en profitent également pour défricher de nouveaux horizons. 'Coast To Coast' est ainsi le premier instrumental du groupe sur lequel se retrouvent les frères Schenker, mais également un Klaus Meine à la guitare pour l'occasion. D'autre part, Scorpions finit d'affûter son art de la ballade avec pas moins de deux titres rendant hommage à ce style qui deviendra la spécialité du combo. Si 'Always Somewhere' s'en sort avec les honneurs malgré une intro honteusement pompée sur le 'Simple Man' de Lynyrd Skynyrd, 'Holidays' s'impose quant à lui comme un futur classique, jouant sur de longues parties acoustiques interrompues par un break à la fois électrique et plus agressif. Enfin, Scorpions invente un nouveau style musical avec 'Is There Anybody There ?': le Reggae Metal. Avec ses guitares tranchantes sur une rythmique syncopée, ce titre sympathique et original fait vraiment l'effet d'un Ovni dans la discographie du groupe, même s'il en deviendra un classique.
C'est donc un nouvel album incontournable que nous propose Scorpions . Classique de part sa position de premier album d'une nouvelle page de l'histoire du groupe, mais également en raison de la participation du cadet des frères Schenker. Scorpions est donc lancé sur les rails du succès planétaire, même si nombreux sont ceux qui regretterons les envolées d'un Uli Jon Roth parti vers d'autres cieux artistiques.