Avec la sortie de "Twilight Time", Stratovarius s’est fait connaître un peu partout dans le monde. Le groupe va donc logiquement poursuivre sur sa lancée et passer l’année 1993 à écrire un nouvel album. Pour celui-ci, un nouveau changement de membre a lieu avec l’arrivée de Jari Kainulainen au poste de bassiste, dont le jeu précis et technique va beaucoup apporter au groupe. Ce troisième album des finlandais sort début 1994 et voit Stratovarius faire évoluer son style et sa musique. Pour commencer, il comporte beaucoup plus de titres (14) que ses deux prédécesseurs. D'autre part, le ton est encore nettement plus maîtrisé et assez varié.
"Dreamspace" est aussi un disque plus sombre et mature, et un peu moins speed métal mélodique, s’orientant plus vers un heavy plus lent et lourd. Ce choix peut s’expliquer un peu par le fait que Timo Tolkki est largement plus à l’aise au chant sur ce genre de titres que sur les titres plus rapides où il est rapidement à la peine. Malgré ces progrès, le chant reste le maillon faible de Stratovarius, et il paraît évident que Tolkki aurait tout intérêt à embaucher un chanteur s’il veut voir son groupe franchir un palier supplémentaire. Il ne faut cependant pas bouder son plaisir à l’écoute de ce bel album, premier réel classique du groupe.
Le début de l’album est en effet absolument imparable, et l'on peut découper ce disque en trois grosses parties: la première contient des titres parfaits pour cartonner en concert avec un potentiel de single évident pour chacun. C’est le cas de "Chasing Shadows" qui ouvre les hostilités, sur un ton assez speed, avec un refrain imparable, une batterie omniprésente et surtout d’excellents passages instrumentaux, Tolkki s’en donnant à cœur joie sur les soli. Le ton se calme avec un "4th Reich" tout en retenue et montant doucement en puissance pour aboutir à un très beau refrain épique qui permet à Tolkki de placer parfaitement sa voix et encore une fois de placer un solo très mélodique comme il en a le secret. Nous citerons également la power ballade "Eyes Of The World" avec son début tout en nuances, sa légère accélération sur le refrain et un ton général mélancolique appuyé par les claviers et un riff principal de guitare simple et efficace. Ce début en fanfare est complété par "Hold On To Your Dream", titre court et efficace bien dans la tradition du genre speed métal mélodique, entre Helloween et Gamma Ray, avec cette touche Malmsteen à la guitare qui caractérise Timo Tolkki.
La deuxième partie du disque alterne quelques titres moyens et titres plus anecdotiques. Il n’y a pas vraiment de mauvais morceaux, mais juste un ventre mou qui débute avec "Magic Carpet Ride", sympathique mais handicapé par un chant un peu juste sur le refrain et avec un ton un peu trop lent en particulier sur la fin. Il y a ensuite des titres moins marquants, comme "We Are The Future", speed mais sans originalité malgré un bon refrain, rapide et mélodique, ou encore "Tears Of Ice", où Tolki chante de belle manière sur un titre assez lent et très sombre mais qui coupe un peu le rythme de l’album. Enfin, avec le titre éponyme, nous retrouvons des claviers qui se font un peu plus entendre créant une ambiance assez sombre et lente, en particulier sur un break assez glacial, mais doté d'un chant un peu pénible, surtout quand Tolki se met à vouloir atteindre des notes bien trop hautes.
Après un "Reign Of Terror" très classiquement heavy speed, débute une dernière partie qui est un peu plus faible, donnant l’impression que le disque a du mal à se terminer. De "Thin Ice" et son chant presque faux, à l’instrumental "Atlantis" court et inutile, en passant par un "Wings Of Tomorrow" final un poil pompeux, nous ne retiendrons pas grand-chose à l’exception d’un "Abyss" rapide et de bonne qualité.
Malgré ses quelques défauts et longueurs, "Dreamspace" reste un album sympathique, montrant un groupe et son compositeur principal sur la voie de la maturité et du succès. Stratovarius prend un peu son temps, mais le potentiel exprimé est bien là, et avec quelques retouches et améliorations, il ne fait guère de doute que le combo finlandais peut proposer un grand album de bout en bout.