Les plus âgés d'entre vous se souviennent certainement d'un groupe anglais nommé Cancer, notamment connu pour leur excellent opus de 1991, Death Shall Rise, qui bénéficia des talents conjugués de Glen Benton, Scott Burns et James Murphy (excusez du peu !)... Officiellement arrêté depuis 2006, nous étions sans nouvelles des membres du groupe, visiblement partis pour savourer une retraite bien méritée après presque vingt ans de bons et loyaux services. Mais non ! John Walker, guitariste historique de la formation, fait en effet son grand retour cette année avec un projet fabuleux : Liquid Graveyard.
Accompagné de la belle Raquel Walker (ex-Abfys) au chant, de l'ex-Mourning Beloveth Adrian de Butlear à la basse et de Mark O'Connell à la batterie, notre bon ami se lance dans une nouvelle aventure ; nouvelle, car si ce premier album contient des références évidentes à Cancer, il se les approprie pour créer quelque chose de très différent. L'alternance chant féminin/growl n'est plus vraiment une nouveauté, mais pour ce qui est des compositions, attention les yeux (et les oreilles) ! Liquid Graveyard joue la carte du mélange des genres avec bonheur, la brutalité et la noirceur du death se métissant ici d'à côtés mélodiques, voire carrément psychédéliques par moments, et ce sans jamais perdre le fil et s'égarer dans de stériles circonvolutions. Le morceau-titre en est un exemple idéal, avec son riff d'intro lent et pesant sur fond de murmures malsains, murmures qui se poursuivent lors de couplets brutaux et lourds, avant qu'un pont acoustique et planant ne vienne soudainement illuminer les ténèbres. Mais aussi sûrement que le soleil finit par se coucher, l'obscurité reprend ses droits et le morceau s'achève sur la même note terrifiante par laquelle il a commencé.
L'album tout entier est construit sur cette ambivalence. Froide et parfois oppressante, la musique de Liquid Graveyard persiste toutefois à ne pas céder totalement au côté obscur de la Force, et s'acoquine avec moult éléments mélodiques (aussi bien vocalement qu'instrumentalement), tout en les affublant, intelligente perversité, de la même production étouffée et saturée que les éléments typés death metal. Le résultat est déstabilisant, mais génère une étrange attraction qui vous fera réfléchir à deux fois avant de passer à la piste suivante, ou même à un autre album. On pourra tout de même regretter que cette production gâche un peu la qualité sonore générale, et se révèle parfois plus gênante qu'autre chose. Le mastering, effectué chez Finnvox en Finlande, ne parvient pas à égaliser ce qui reste de l'enregistrement et du mix, qui proviennent eux des brouillons Sadmad Studios de Madrid. Le disque n'est pas bon à jeter mais risque tout de même d'indisposer les audiophiles.
Pour conclure, dédions cette chronique à Mark O' Connell, tragiquement décédé en septembre dernier. Vu la qualité de ce premier album, on souhaite à son successeur, Acaymo D., ainsi qu'au reste de la bande, de trouver la force de continuer ce projet excitant et de rencontrer un succès amplement mérité.