La lecture des chroniques des disques des Red Hot Chili Peppers pourrait facilement amener à penser que les Californiens sauteurs sont tombés dans le chaudron tout petits et que depuis, ils transforment tout ce qu’ils touchent en or (parfois c’est en poudre un peu plus blanchâtre, la formule ne peut pas réussir à tous les coups !). En effet, de "The Uplift Mofo Party Plan" jusqu’à ce jour, ils tutoient quasiment toujours les sommets et il n’y a pas de réelle faute de goût. Tout au plus pouvons-nous trouver un album mois heureux ou moins courageux, mais il y a fort à parier que celui-ci trouvera une flopée de fans qui défendront ce qui, à leurs yeux, est leur meilleur album».
Pourtant, avec "Freaky Styley" nous étions passé à un sourcil d’escargot de l’incident. L’album était assez moyen et péchait cruellement d’une production digne de ce nom et de compositions de qualité stable. Avec ce "Red Hot Chili Peppers", la partie est gagnée: nous avons trouvé la grosse daube qui entachera à jamais la discographie des Peppers. La pièce à conviction qui établira de manière certaine que ces gens ne sont pas des demi-dieux élevés au lait de Muse (demi-écrémé le lait de muse, sinon cela donne des aigreurs d’estomac).
Il faut dire que cet album est né dans la confusion. Les Red Hot, alors composé de Flea, Anthony Kiedis, Hillel Slovak et Jack Irons, commencent à acquérir une bonne réputation scénique lorsqu’ils décident d’enregistrer leur premier album. Le contrat de ces deux derniers avec MCA (alors que RHCP était signé par EMI) contraint Kiedis et Flea à recruter un nouveau guitariste en la personne de Jack Sherman et un nouveau batteur en la personne de Cliff Martinez. Nous avons donc affaire à un album composé par deux groupes différents.
"True Men Don't Kill Coyotes", "Baby Appeal", "Buckle Down", "Green Heaven", "Police Helicopter" et "You Always Sing The Same" proviennent du quartet Kiedis, Flea, Martinez et Sherman, tandis que les autres titres, à l’exception de la reprise de Hank Williams "Why Don't You Love Me (Like You Used To Do)", sont le fruit de la formation historique, mais également enregistrés par un groupe qui se découvre.
Si nous ajoutons à cela le son très pauvre qu’Andy Gill (guitariste de Gang Of Four, et une des influences majeures des Chilis), a concocté pour ce premier essai, on ne peut que constater que toutes les conditions ne sont pas réunies pour faire de cet album une réussite. La rumeur veut que les relations entre le groupe et leur producteur de l'époque étaient plus que tendues, Andy Gill souhaitant doter les Red Hot Chili Peppers d’un son leur permettant d’envisager de bénéficier de passages en radio. Kiedis raconte dans son autobiographie (on ne glousse pas, James Joyce et Goethe ont bien écrit la leur) que le groupe s’était aperçu qu’Andy Gill avait apporté sur son cahier de notes le commentaire « Merde » en face du titre de "Police Helicopter", qui se trouve être la première chanson qu’ils n’aient jamais composée, et qui comportait à leurs yeux l’esprit même du groupe. Et il est vrai, que si ce commentaire résume assez bien la chanson, il ne permet pas pour autant de détendre une relation avec ses clients.
Le résultat est de fait assez mauvais. En effet, si le style des Red Hot première période est déjà perceptible via des riffs de basse bien funky, un chant très emprunt de rap et des morceaux principalement axés autour d’une rythmique omniprésente, la confusion règne en maître. On oscille entre des titres totalement brouillons et confus à l’image de "Mommy Where's Daddy" ou "Baby Appeal" et des morceaux qui auraient put être sauvé avec un peu plus de maturité et de travail ("True Men Don't Kill Coyotes", "Get Up And Jump", "Out In L.A." ou bien "Green Heaven"). Il est à noter que les versions démo de ces trois derniers titres proposées dans la réédition de 2003 rendent bien mieux hommages à ces morceaux, qui sont d’ailleurs parfois encore interprétés en concert, que leur version "officielle".
Cela dit, cette piètre consolation ne doit pas cacher le fait que ce "Red Hot Chili Peppers" fait bien tâche au sein d’une discographie qui n’en comporte par ailleurs presque aucune. Je n’aurais même pas la méchanceté de vous dire : « Ce disque est à écouter afin de connaître toute l’histoire de ce groupe hors normes ». Honnêtement, il y a vraiment beaucoup mieux à faire.