Et la palme de la plus belle pochette de disque de l’année 1985 est attribuée à... STRATTSON !!! Cette œuvre magistrale, qui gagne à rester anonyme, a tout de même réussi à détrôner la magnifique pochette du « Rites Of Chaos » de DEMON EYES... Et c’est bien la seule véritable palme auquel ce disque peut prétendre. A sa décharge, il faut dire qu’il est sorti à une période ou la scène Hard Rock française venait de revêtir ses plus belles parures, des opus avec lesquels il était bien difficile d’entrer en compétition.
Et pourtant, les franciliens de STRATTSON ont eu un réel atout en la personne de leur chanteur, J.C. Stratt (à l’instar des RAMONES, les membres du groupe se font appeler Fred Stratt, Lionel Stratt et Brisfa Stratt). Celui-ci possède une voix qui détonne dans un paysage musical où les chanteurs rivalisaient alors de prouesses, plus ou moins bien maitrisées, afin de pousser des cris d’orfraie et monter dans les aigues. JC Strat, donne plutôt dans des tonalités très graves et gutturales, style peu commun à cette époque. Et même s’il lui arrive de pousser dans les aigues, la variété de sa voix rend l’exercice très supportable. On peut même parler d’un réel plus apporté à la musique.
Et cette variété est la bienvenue tant le genre pratiqué - un Speed métal mâtiné de Thrash - est une mixture pouvant amener à une indigestion. Cela n’est pas le cas ici car le groupe a la bonne idée de varier son propos comme dans « Le Bourreau », où le passage guitare et chant clair est du meilleur effet et préfigure un peu le style vers lequel la formation va évoluer.
Des titres comme « Speed Machine » et son refrain qui illustre si bien le nom du morceau, le violent « Ténèbres » ou bien « Face A La Lune » et son refrain entêtant, possèdent une personnalité et une force impressionnante. Il est vraiment dommage que ceux-ci n’aient pas bénéficié d’un meilleur son. La batterie et la guitare rythmique sont par trop brouillons et manquent d’efficacité empêchant ces morceaux, proches du style de SORTILEGE, de devenir des classiques du genre. En effet, même si STRATTSON est un peu moins mélodieux et un peu plus rugueux que son homologue, les deux formations possèdent des structures de composition et un chant qui comportent de nombreuses similitudes.
Le disque a été réédité par Brennus avec 3 inédits : un titre « démo » datant de 1983, qui n’a pas à rougir de la comparaison avec les titres qui termineront sur « Ouf Métal » et dont le chant et surtout la batterie sont d’ailleurs bien mieux mis en valeur puis deux titres bonus enregistrés en 2002, qui montrent un groupe maitrisant bien mieux son sujet. Le chant est toujours aussi puissant et typé, mais il s’est débarrassé des tics par trop présents dans « Ouf Metal et surtout il est bien plus compréhensible. Si la guitare rythmique donne encore dans le mur compact et primitif, la guitare lead est elle bien plus précise et inspirée. Son titulaire, Christophe Robilliard, est omniprésent et prend un malin plaisir à régurgiter avec bonheur des plans inspirés de Tom Morello (« Je Te Hais ») et de Jimi Hendrix (« Je Bois »).
S'il n’y a pas encore lieu de crier au génie, on a tout de même le sentiment à l’écoute de ces rééditions que quelques mois de maturité supplémentaires et une bien meilleure production auraient certainement permis à « Ouf Metal » de connaître une toute autre destinée que celle qui fut la sienne. En effet, l’originalité du groupe est ici bien mieux mise en valeur et on se prend à penser que STRATTSON n’aurait certainement pas été amené à se séparer aussi vite avec ce petit plus. Mais la réalité fut autre et le temps et l’évolution des standards sont impitoyables avec les disques qui n’ont pas bénéficié d’une production exceptionnelle ou d’une qualité irréprochable. Ce « Ouf Métal » nous rappelle que derrière les grands noms du Hard Rock français, des combos un peu moins exposés avaient le potentiel d’évoluer de la plus belle manière qui soit. A recommander principalement aux nostalgiques.