En 4 albums studios (nous ne compterons pas le premier éponyme) et un live, Saxon s'est solidement installé sur les sommets du Hard Rock Mélodique européen, en en devenant un des leaders incontournables. Voici donc surgir "Crusader" et sa superbe pochette (ça change après l'horreur illustrant "Power & The Glory"), enregistré à Los Angeles sous la houlette de Kevin Beamish, jeune producteur ayant déjà œuvré aux côté de Jefferson Starship. Ces détails techniques ont leur importance car ils sont à la fois le résultat d'une démarche engagée par le groupe pour s'attaquer au marché US, et ils expliquent également les modifications que l'identité du quintet britannique va subir.
En effet, si les choses commencent en fanfare avec une titre éponyme donnant dans l'épique avec puissance et efficacité, la plupart des morceaux composant "Crusader" dénote un certaine américanisation du Hard Rock de Saxon. La production a régulièrement tendance à aseptiser le son en renvoyant les guitares plus en arrière que d'habitude, et la batterie est parfois dotée d'effets dignes d'un instrument électronique, ce qui émascule un peu certains titres. Pourtant, en dehors de la reprise de Sweet ("Set Me Free") qui ne casse pas 3 pattes à un canard, le reste des titres reste d'une qualité appréciable. Cet album propose même quelques hymnes en puissance, comme le titre éponyme déjà cité, introduit par une ambiance de champs de bataille, et imposant une ambiance et une montée en puissance saisissante, ou un "Just Let Me Rock" au rythme lent et au refrain puissant direct et immédiat. Au rayon des belles réussites, nous rajouterons un "Bad Boys (Like To Rock'n'Roll)", simple, enjoué et efficace, et la power-ballade "Do It All For You" qui touche parfaitement au but sans jamais tomber dans la mièvrerie.
Par contre, le reste respire la corruption visant à séduire le marché US. Dès "A Little Bit Of What You Fancy", Saxon flirte avec un style proche de Van Halen, alors que "Sailing To America" possède un titre qui se suffit à lui-même, sympathique et au refrain immédiat, mais aux sonorité proches du Rock FM US. La fin de l'album vient confirmer cette démarche avec un "Rock City", dynamique mais manquant de puissance et tournant un peu en rond, et un "Run For Your Lives" aux chœurs dignes d'un stade de football. Rien de profondément désagréable en soit, mais il est trop évident que la démarche de Saxon est dictée par des intentions mercantiles, et non par une prise de risque artistique visant à faire évoluer sa musique.
Voilà donc un album de Biff et sa bande qui, pour la première fois, laisse un sentiment mitigé. Car si la qualité reste plus que raisonnable et que "Crusader" possède encore quelques brûlots en son sein, il remet en question l'intégrité du groupe, qualité jusque-là incontournable.
Avant de conclure, nous citerons la réédition offerte par Axe Killer en 2002 qui, si elle bénéficie d'un remastering discutable, n'en offre pas moins 3 bonus de haute volée, avec "Chase The Ace", instrumental (exercice rare chez Saxon) efficace et tranchant et doté d'un superbe duel de guitares, "Krakatoa" propulsé par la double-pédale de Glockler et soufflant tout sur son passage, et enfin, "The Meddley", live nous promenant pendant 9 minutes finalement bien courtes, de "Heavy Metal Thunder" à "Warrior" en passant par "Stand And Be Counted" et "Taking Your Chances". Un vrai régal !