L’album posthume pourrait presque être considéré comme un genre en soi tant il est particulier à écouter, et donc à chroniquer. Particulier, car à moins d’avoir des griefs personnels contre son auteur, nous sommes toujours tentés de ne pas trop nous acharner sur le petit dernier d’un artiste qui aura su nous toucher en d’autres temps et autres mélodies. Je m’engage toutefois devant vous, chers lecteurs, à ne jamais dire de bien de Britney Spears, intégrité oblige.
Comme vous l’aurez donc sans doute compris, Holy City Zoo est en partie un album posthume, le dernier en tous cas pour l’un des ses éminents membres : M. Paul Raven. Figure majeure de la 4 cordes dans le petit monde du Métal Industriel, M. Raven nous a quitté en 2007 à l’âge de 48 ans d’une crise cardiaque dans son sommeil. R.I.P. Paul, souhaitant que l’état du prochain monde t’apporte plus de satisfaction que celui que tu critiquais tant ici bas.
Mais si Holy City Zoo est marqué par le deuil, Mob Research n’en reste pas moins une formation bien vivante à l’heure où elle décida de nous offrir son Métal Industriel particulièrement burné !
Petit rappel préliminaire : si le genre fut créé par les pionniers que sont Godflesh et Ministry, il doit sans conteste sa popularité à quelques figures des années 90 au style plus dilué, telles que Marilyn Manson, Rammstein ou Nine Inch Nails. De fait, malgré ces solides représentants, le Métal Indus reste confidentiel dans sa frange la plus authentique et radicale, frange dans laquelle notre quatuor nous plonge avec lourdeur et conviction !
Oublié les effets bioniques à la Manson, l’amplification théâtrale teutonne ou les élans atmosphériques de M. Reznor : Mob Research fait dans le Heavy Industriel. Rythmiques appuyées, guitares acérées et voix magnifiquement destroy, c’est dans son implacable puissance mécanique que cet Indus va chercher sa force et non dans quelques bidouillages subtils. Prenez les « Tribe », « Holy City Zoo », « Manufactured Terror », « Skulls & Bones » et consorts : les structures sont parfaitement ajustées, sans fioriture mais toutes empreintes de la même redoutable efficacité. Les adeptes du genre y trouveront d’innombrables motifs de délectation, tandis que les oreilles plus obtuses se laisseront peut-être gagner à leur tour par ce formidable déferlement d’énergie.
Reste les surprises et les pépites : « Wambulance » et son côté délirant décalé, « The New Religion » et ses sonorités Rock’n’Roll à tomber, « This One For You » qui résonne comme l’ultime hommage à Raven, sans oublier les perles mid-tempo que sont « New Paradigm » et l’instrumental « Atmosphere » qui achèvent de faire de ce quatuor de très grands compositeurs capables de vous transporter où bon leur semblent.
Dix titres et nous sommes comblés, mais puisqu’il fallait faire exploser toutes les limites pour ce chant du cygne, ce sont pas moins de sept titres remixés qui nous sont proposés en bonus. Loin de jouer la carte du remplissage du vide par le vide, ils offrent pour chacun d’entre eux une relecture complète d’un des brûlots cités plus haut pour notre plus grand plaisir. Livrant des interprétations beaucoup plus électroniques, ils surprendront à la première écoute autant qu’ils raviront à la seconde ! Seul bémol, la version « makinesque » de « Skull & Bones » qui se révèle un réel échec, mais 1 sur 17 c’est au final un score plus qu’honorable, non ?
Après nous avoir ravis chez Ministry, comblés chez Killing Joke, Paul Raven ne pouvait nous quitter que sur une œuvre à son image : intransigeante, puissante, transpirant le talent de toutes parts. C’est chose faite sur ce qui restera le dernier album d’un très grand, indispensable pour les fans, à découvrir d’urgence pour tous les autres.