Avec "Ylem", Dark Fortress nous livre son sixième forfait discographique en une décennie d'activisme phonographique. Pourtant le groupe allemand n'a jamais su véritablement atteindre les hauts rangs de la reconnaissance générale de la part des amateurs de black métal. Sans être pour autant en marge du mouvement musical dans lequel il évolue, Dark Fortress peut être considéré comme un groupe connu sans être reconnu. Les raisons de cet état de fait sont assurément multiples, mais il en existe une en particulier. C'est que tous leurs albums ne sont pas dénués de certains petits, et parfois variables, défauts. Et ce nouvel opus n'en est pas exempt.
Pourtant force est de reconnaître que cet "Ylem" est une merveille de black métal ! Dark Fortress a retrouvé une profonde inspiration créatrice qui manquait singulièrement à ses deux précédents efforts discographiques "Seance" et "Eidolon". Le groupe avait quelque peu perdu de sa verve enchanteresse, ce subtil mélange de styles, caractéristique de ses trois premiers albums. Cette fois-ci, Dark Fortress nous revient avec un album de black métal mélodique à la variété du propos musical et aux ambiances très soignées complètement captivants.
L'album débute par trois titres à l’indéniable beauté : "Ylem", "As The World Keels Over", sans doute le titre phare de l'album, à se damner et aux mélodies voluptueuses, et enfin "Osiris". Ensuite, Dark Fortress continue de nous ensorceler avec des titres tout en nuance de noirceur. Le groupe s'y entend pour nous promener au gré de ses humeurs, mêlant la fureur et la beauté du black métal mélodique avec des ambiances parfois dark métal ("Osiris", "Evenfall") et quelquefois aux sensations légèrement doom ("Hirudeneans", "Nemesis"). D'une cohésion presque sans faille, il se dégage de ce disque une véritable atmosphère délicieusement noire.
Cet album aurait pu être un album presque parfait. Et il est extrêmement rageant de constater que Dark Fortress ne semble toujours pas avoir compris qu'il ne faut pas tirer le diable par la queue. Dark Fortress ou le groupe qui ne peut s’abstenir d’en faire toujours trop. Ces albums sont généralement beaucoup trop longs et "Ylem" avec ses 70 minutes au compteur n'est malheureusement pas une exception. Et à vouloir en faire trop, Dark Fortress, soit dilue son propos musical lui faisant perdre de sa consistance, soit commet le faux-pas de titres râtés. Au cas présent, il aura suffi d’un titre. Pourquoi a-t-il fallu que le groupe ne conclut pas Ylem par "The Valley". Pourquoi terminer par un titre comme "Wraith", totalement dispensable, d'une longueur insipide et au chant clair désopilant et terriblement horripilant ?
Ce titre de conclusion a le tort de vous laisser sur une très mauvaise impression de l'ensemble. Et pourtant cet album vaut assurément et largement le détour. Les trois premiers titres sont de véritables pépites d'or musicales et le reste est plus qu'enthousiasmant. Voilà un album qui ne se dévoile totalement qu’en multipliant les écoutes. Je ne peux pas ne pas enrager contre cette aberration musicale finale. J'apprécie énormément ce groupe et j’espère qu'un jour il comprendra enfin que même un album de seulement 60 minutes d'excellentes musiques suffit à contenter le fan. La réussite d'un disque se mesure au plaisir procuré à l'auditeur, non pas à sa longueur. Malgré tout, avec "Ylem", le premier but est largement dépassé. C’est déjà l’essentiel.