Sous ce pseudonyme se cache Hans-Jörg Schmitz, un musicien allemand à la carrière déjà bien remplie qui a fait partie de nombreux groupes, multi-instrumentiste, dont l'instrument de prédilection est quand même la batterie. Celui-ci délivre ici un double CD ambitieux et délirant la fois, avec l'aide de quelques invités à la guitare, aux claviers et à la basse… Plus de 2 heures de musique totalement instrumentale aux multiples facettes avec des morceaux aussi variés que leur durée, allant d'une minute à près d'un quart d'heure… Et l'on flirte avec du rock progressif symphonique, un sorte de néoprogressif instrumental mâtiné parfois de hard rock.
"Ed gate" flirte aussi bien avec le jazz rock (un solo de basse fretless y figure d'ailleurs) qu'avec le hard rock ou le progressif lyrique (beau solo de guitare plaintif), en insérant également ici et là des éléments de musique électronique, des textures de claviers glaciales et futuristes ! Schmitz n'hésite pas, entre un passage metal ou un autre purement symphonique, à nous servir quelques courts soli de batterie sur le très long "The disgusting life of Lupus W." et à intégrer quelques réminsicences à des références comme Saga ("How long") ou ELP (la séquence de synthé figurant à la fin de "Karn Evil 9") ! Dans ce morceau, il change de rythme et de style plus vite que son ombre, parfois de manière assez incongrue mais avec un talent certain ! Au contraire, "Ostia" conserve essentiellement une teinte orchestrale et plus linéaire, avec quelques nuances orientalisantes mais traîne en longueur sur la fin alors que "66 scary seconds" nous assène encore un solo de batterie assez stérile. D'ailleurs, globalement, malgré des mélodies fortes et des passages atmosphériques tout à fait calmes, les roulements de batterie sont parfois un peu trop prononcés sur cet album et pourront lasser. De plus le son trop sec (avec une caisse claire parfois un peu creuse) ne convient pas tellement aux morceaux les plus lyriques…
"The rhythmic drawing room" recèle quant à lui une tonne de surprises et de clins d'œil - peut-être un peu trop d'ailleurs - dont la liste serait trop longue à citer ! Ajoutons que Schmitz a inséré beaucoup d'humour dans son opus tel sur "Prog'n'roll", à la fois court et accrocheur qui emprunte la fameuse intro de "Rock'n'Roll" de Led Zeppelin, ou une variation sur le thème du "Muppet show" sur le très bref "Too much butter ! "! L'homme a également inclus des effets sonores, des bruitages sur quelques morceaux pour illustrer les titres ("Welcome to the butchery" avec tous ses bruits d'animaux et ses sections complètement disjointes est même délirant, pendant près de 6 minutes ! ).
Ces clins d'œil disparaissent sur le deuxième disque et ce sont d'ailleurs les 4 titres les plus longs qui sont peut-être les plus intéressants avec notamment "Leave" ou certaines parties de "The crimson drawing room" malgré quelques ruptures un peu trop brutales. On se demande parfois pourquoi, selon certains artistes, un album de rock progressif se doit d'avoir de telles ruptures rythmiques et surtout stylistiques au sein d'un même morceau… Il fut un temps ou le rock progressif fusionnait les genres, ce qui n'est pas la même chose que les accoler… Ainsi les passages saccadés dans "Leave" qui rappellent plus ou moins certains groupes de metal moderne paraissent un peu incongrus, surtout à côté de passages symphoniques ou même intimistes.
Côté enregistrement, la production est très valable quoique la batterie soit assez sèche. S'il s'agit peut-être d'un choix de production - que je me permets de regretter - ce son ne colle clairement pas avec le reste des arrangements. Par ailleurs, les textures de claviers qui se veulent le plus souvent orchestrales, symphoniques ou imitant l'orgue Hammond sont parfois un peu trop artificielles. Là encore, pas évident de savoir s'il s'agit ou non d'un choix délibéré car ce n'est qu'occasionnel. Mais bon, il n'y a rien de rédhibitoire quand même, même si ces petits défauts se retrouvent malheureusement sur beaucoup d'autoproductions aux moyens limités.
Le constat global se veut donc mi-figue mi-raisin : d'un côté ce double CD est très intéressant, souvent original, surprenant, avec de bonnes mélodies, une variété de tons appréciable mais il est aussi décevant, car il recèle de nombreuses longueurs, des maladresses ainsi qu'un certain nombres de morceaux qui me semblent fort dispensables… Bref, un album trop long (deux heures un quart !), surtout pour un instrumental, et un peu auto-indulgent. Par contre, en retirant les passages faibles, et en mettant un peu moins l'accent sur la batterie - même si les amateurs seront ravis car Hans-Jörg Schmitz est un virtuose de l'instrument - on pourrait aboutir à un unique CD bien rempli qui serait bien plus convaincant. Sans doute pour la prochaine fois ?