Pas mal de remous auront secoué Deep Purple depuis sa reformation il y a moins de dix ans en 1984 et Joe Lynn Turner n’aura été le chanteur du groupe que le temps d’un album. Alors qu’il avait posé sa voix sur certaines maquettes du futur album, il est écarté du projet pour laisser de nouveau la place à Ian Gillan. Les tensions entre ce dernier et Ritchie Blackmore restent pourtant vives (je cite : "Blackmore, les problèmes d’hémorroïdes, il ne connaît pas ! C’est un parfait trou du cul"), mais Gillan semble être revenu pour rester et l’avenir lui donnera raison.
"The Battle Rages On" est sans aucun doute l’album le plus tendu et nerveux de la reformation. On sent cette pression de la première à la dernière note. Les musiciens renouent avec un Rock dur et lourd, loin des rivages AOR limites FM des deux albums précédents. Même Deep Purple reste prisonnier des sonorités qui freinent sa progression, il parvient à changer la donne en proposant une musique plus sophistiquée.
Enregistré à Bearsville New York et sorti le 19 Juillet 1993, "The Battle Rages On" démarre sur un orgue qui gronde, une guitare lourde et grasse (Blackmore utilise ici un nouveau modèle de chez Fender) et un Gillan qui revient hanter nos oreilles... Le son, limpide, laisse transparaître toute la fougue des protagonistes.
Chaque musicien prend part à la composition pour donner des titres parfois atmosphériques comme le direct et tout en break 'Talk About Love', 'Lick It Up' et 'One Man’s Meat', d’autres riches en mélodies comme 'Time To Kill'. Le frénétique 'Twist In The Tail' est une sorte de 'Dead Or Alive' bien plus convaincant et compact dans laquelle Jon Lord illumine l’ensemble de ses doigts magiques tout comme sur le superbe 'Solitaire'. Ce titre, aux paroles poignantes et à l’aura forte semble faire l’unanimité chez les fans du groupe.
Au fil des écoutes, l’impression d'entendre un vieil album se renforce. Mais cela ne fait pas tâche et cette volonté semble pleinement assumée. Les exemples les plus flagrants sont 'Nasty Piece Of Works' et 'Ramshackle Man', deux clins d’œil au bon vieux temps du Rock n’Roll dont le second, ternaire, n’est pas sans rappeler 'Black Night'.
Pour terminer, comment ne pas citer 'Anya', titre sublime au riff souvent comparé à celui de 'Child In Time'. Il débute de façon magistrale sous la gratte sèche de Blackmore puis explose en couplets et refrains mémorables. Ce sont ici et parmi d’autres les dernières traces d’un Deep Purple épique et mystique avant le départ de Blackmore vers Rainbow.
Si certains titres ne passent pas tous aussi bien le cap des nombreuses écoutes, "The Battle Rages On" peut s’écouter sans sauter un titre et c’est déjà, en soi, une belle réussite. Il est tout aussi méritant que le célèbre "Perfect Strangers". C’est aussi le dernier album avec Ritchie Blackmore, dernière offrande de l’homme à la Fender blanche aux fans du groupe, qui en pleine tournée, décide de lâcher l’affaire, remplacé au pied levé par un Joe Satriani fraîchement chauve.