Avec le temps, j’ai appris à me méfier de certaines maisons de disque qui usent et abusent de superlatifs, gentils mensonges et autres formules dans le vent pour vendre leurs nouveaux poulains. C’est pourquoi à la lecture de la pub faite autour du premier album d’Aspera, j’étais à la fois amusé et méfiant : « Cet Album est Formidable ! La relève d’un genre moribond ! Rien de mieux depuis l’invention de la roue ! Il va vous mettre dans un état proche du Saskatchewan ! Un album qu’auraient aimé Albert Einstein et Marie Curie ! ». N’en jetez plus la coupe est pleine.
Mais force est d’avouer qu’Inside Out ne nous avait pas menti. Ne nous méprenons pas, Aspera ne réinvente pas les genres, mais il apporte une grande bouffée de fraîcheur dans ce style saturé et propose dans un emballage unique, une musique enthousiasmante. Jens Borgen (Opeth, Paradise Lost, Symphony X et bien d’autres) parle de « Ripples », qu’il a mixé, comme le meilleur album de prog’ entendu depuis 1992 (une référence à Images And Words ?).
Ces cinq jeunes norvégiens proposent un rock progressif métallique et hautement mélodique renforcé dans les angles à grand coup de technicité et autres alambiques. Les riffs sont puissants et acérés, le paysage très atmosphérique et la mélodie y règne en maître, accrocheuse. Et le plus surprenant dans tout cela, c’est que ça joue déjà très bien, c’est original et en plus, ces gars là possèdent déjà un certain univers et un son propre même si, c’est inévitable quand on débute, de grands noms nous viennent à l’esprit à l’écoute des morceaux.
L’ensemble fait souvent penser à un habile mélange entre le métal accrocheur et moderne d’Evergrey et les exercices instrumentaux hyper techniques, emballés dans des rythmiques complexes et touffues, d’un Dream Theater. C’est simple, le titre d’ouverture « Ripples » est tellement riche qu’il nous donne l’impression d’avoir déjà écouté un album complet. Mais cette impression de fouillis passe très vite. Les joutes de guitare et clavier sont inspirées et on découvre la pate de chaque musicien (la basse est bien plus mélodique que chez DT).
L’album possède par moment une ambiance assez stellaire qui rappelle le premier essai d’Andromeda, avec une luminosité plus grande (« Remorse », « Do I Dare ? »). Et le chanteur Atle Pettersen y est pour beaucoup. On sent chez ce jeune vocaliste un talent qui ne demande qu’à s’imposer. Très mélodique et pas agaçante pour deux sous, sa voix passe et s’impose sur tous les terrains explorés ici : Sonorités AOR, Métal, Prog’, le gars semble à l’aise partout et nous captive. Si on ajoute à cette formule de nombreux chœurs, comme sur le très bien riffé « Do I Dare ?» et « Catatonic Coma » on obtient un genre à part.
L’un des grands moments de cette galette est certainement l’énorme « Between Black & White » avec son côté métal mélodique, ses passages légers typés AOR, ses parties de batterie marteau-pilon et son solo digne de David Gilmour. L’autre est sa suivante, « Catatonic Coma ». Plus moderne avec sa voix tronquée, elle contient de superbes passages instrumentaux (parfois arabisant) et Robin Ognedal se la joue Petrucci, pour le plaisir. « Trace Inside », tout en muscle, démarre par une intro basse/batterie du plus bel effet et, toujours entre DT et Evergrey, semble ne jamais vouloir se terminer. Seule « Torn Apart » sort un peu du cadre, plus simple et directe, plus sombre aussi, elle laisse de côté la virtuosité pour un rendu plus métal.
« Ripples » est donc l’une des bonnes surprises de ce début d’année et Aspera un nom qui risque de se répandre comme une traînée de poudre. Ces huit titres (l’intro et la ballade acoustique « Reflections » mis à part) ont de quoi satisfaire de nombreux fans du genre. L’impression de déjà entendu est anecdotique et on se replonge avec un plaisir non feint dans ces pièces gargantuesques. A posséder absolument !