Aaaah, les cordes et le métal ! Cela fait maintenant un petit moment qu’instruments classiques et sonorités métalliques ont entrepris une valse aux danseurs multiples, conviant des orchestres pour accompagner quelques ténors en mal de sensations scéniques, faisant naître un genre judicieusement intitulé métal symphonique, ou poussant même quelques violoncellistes dans l’arène impie. Mais après tout, fallait-il vraiment se montrer surpris ? Un certain Yngwie Malmsteen ne nous avait-il pas déjà ouvert la voie ? En matière de mélanges des genres, on peut en effet établir que Jelonek n’est sans doute pas le premier à s’aventurer dans les contrées qu’il parcourt, mais plus qu’une question de poule et d’œuf, c’est une question d’harmonie et de talent à laquelle on doit ici apporter une réponse.
Mise en situation : Michael Jelonek est un violoniste polonais de formation classique. Il a évolué simultanément et pendant près de vingt ans dans des formations et ensembles classiques, folk, métal, pop, rock, et composé quelques bandes originales à ses heures perdues. Quoi qu’étant une personnalité connue et reconnue sur ses terres, c’est en 2007 que notre homme se lance dans sa première aventure solo pour nous gratifier de l’éponyme Jelonek qui chatouille aujourd’hui nos tympans délicats.
En matière de chatouilles, notre cher Michael n’y va toutefois pas avec le dos de la pierre ponce, et c’est un tourbillonnant et baroque "Ba-rock" qui ouvre la voie aux quelques 14 titres qui composent ce patchwork musical. Patchwork, car si les sonorités métal sont encore très discrètes sur cette mise en bouche, elles ressurgissent de plus belle avec le rugueux "B.east". J’aurais aimé ici gratifier notre homme d’un glorieux trait d’esprit en lui attribuant un talent monstrueux, mais je crains fort de devoir retenir ce compliment par la manche. En effet, si l’album pourrait être qualifié de monstrueux, c’est tristement à titre péjoratif, le patchwork promis se muant en hydre à 14 têtes. Explications : à vouloir trop bien faire, et surtout à vouloir trop en faire, Jelonek parvient très rapidement à ne pas faire grand-chose. Explications des explications : chaque titre proposé est composé à la manière d’une chanson instrumentale, respectant une structure couplet – refrain – couplet – refrain – pont – refrain qui se révèle vite ennuyeuse.
Si l’énergie est présente, et si Jelonek livre avec maestria un exemple de chacun des styles qu’il affectionne, du folk "Akka" à la world "Steppe", de l’électro "Lorr" au métallique "War In The Kids Room", il démontre bien malgré lui, que ses talents de compositeurs ne sont pas tout à fait au niveau de ses ambitions. Notre oreille est belle et bien chatouillée, mais c’est presque systématiquement la démangeaison qui l’emporte et hâte notre écoute de la plage suivante.
En définitive il est bien difficile d’émettre un jugement clair et définitif sur pareille œuvre : la technique est bonne et les envies sont perceptibles, mais la réussite est tronquée par une redondance et un agacement omniprésents. On applaudira donc d’une main l’audace de l’artiste, mais l’on reposera de l’autre le disque sur son rayonnage. Le mélange des genres est un art subtil, bien plus subtil sans doute que peut même l’être l’excellence dans un genre unique, on pourra donc détourner une formule célèbre que nous a laissé Beaumarchais pour conclure que « sans échec il n’est point de réussite flatteuse », et espérer donc que la prochaine sera la bonne !