Désormais phénomène de société, la multiplication des divorces tout autant que celle des familles recomposées par voie de conséquence, marque de son ampleur une réalité accélérée par des changements, on le sait, culturels mais aussi légaux. C’est un constat qui peut également s’apprécier au niveau du monde de la musique, où régulièrement des splits s’opèrent au sein de groupes pour ensuite former de nouvelles concentrations assurant alors de nouveaux métissages. Mathias et Mattias respectivement guitariste de Gösta Berlings Saga et batteur de The Carpet Knights sont eux-mêmes issus de cet état de fait à la fois destructeur et créateur.
Bien que peu concrète, la réunion des deux Suédois s’est faite au départ avec un but : mixer une musique à la fois écrite et improvisée. Après plusieurs semaines, l’affrontement des idées de chacun a donné naissance à cet éponyme « Makajodama », album exclusivement instrumental, canevas riche et complexe de sonorités empruntées autant au folk, au jazz qu'au post-rock.
Dès le premier « Reodor Felgen Blues », les influences de la formation ressortent avec une intro très jazzy aux formes alambiquées proches de King Crimson. Avec une intensité dramatique se développant progressivement, à la manière de leur grand frère Godspeed You! Black Emperor, le duo laisse parler violoncelle et violon qui insinueusement serpentent au fil de la mélodie afin d’accroître la tension palpable de bout en bout. Dès le premier titre, les Suédois prouvent un talent certain pour l’enchainement des idées tout en suivant une ligne directrice clairement définie.
« The Ayurvedic Soap » reprendra plus tard les mêmes schémas, débordant parfois - et notamment par un pont de contrebasse à la Mingus - sur du jazz bebop alors que « Vällingby Revisited » entre cordes et saxophone ira de son côté jusqu’au bout du mimétisme avec le jazz.
Plus ancrée dans une tradition folk et avec une subtilité étonnante, la seconde partie de l’album dévie sur une plus grande légèreté. Les cordes se répondent encore sur « Buddha And The Camel », mais cette fois-ci langoureusement, sans à-coup. Le titre se prête plus alors à une béatitude rappelant le rock seventies et les mélodies « la fleur au fusil » de Caravan avec la touche de psychédélisme qui va avec. A ce titre, les rythmes floydiens envahissent eux aussi la scène sur « The Girls At The Marshes », titre étonnant entre modernisme et regard « rétrovisé » puis sur « Autumn Suite » dont la mélodie fait revenir à la mémoire le côté « monarchique » du morceau « Atom Heart Mother ».
Makajodama parle un langage bigarré, mais aussi raffiné et luxuriant. Cet album est comme une passerelle temporelle entre musique des seventies et d’aujourd’hui mais aussi une œuvre à la croisée des genres. Des genres mis sur un même piédestal avec un savoir-faire qui devra dès à présent leur être reconnu.