Deux ans après un Delusions applaudi pour son inventivité, To-Mera, le groupe de "métal prog à chanteuse pas comme les autres" nous revient avec une formation remaniée. En effet, Hugo Sheppard ayant quitté le groupe juste après les sessions de l'album en question, et Lee Barrett, pourtant co-fondateur, l'ayant imité peu de temps après, cet EP est la première sortie officielle du nouveau line-up. Accueillons donc comme il se doit Richard Hensall, alias Hen, le guitariste et claviériste déjanté de Haken, qui remplace Sheppard, et en lieu et place de Barrett, Mark Harrington (ex-Demagogue), un illustre inconnu qui cependant, on va le voir, ne devrait pas le rester longtemps. Signalons enfin que le groupe s'est séparé de Candelight Records, cet EP étant donc une autoproduction ; mais que Barrett reste tout de même plus ou moins à la barre, officiant dans l'ombre à défaut d'être disponible pour le studio ou la scène (rappelons que le monsieur est le fondateur de la branche anglaise du label en question, ce qui a compliqué encore un peu la situation).
C'est donc une nouvelle formation qui s'ébat ici pour la première fois. Faut-il s'attendre à une musique elle aussi remaniée ? Oui et non.
Oui, car on constate dès la première piste, "Mesmerized", que l'accent a été porté sur les mélodies, et que la brutalité et l'imprévisibilité qui avaient fait la renommée du groupe ont quasiment disparu. On note bien une tentative de surprendre pendant la brève partie instrumentale, mais en vain. La chanson gagne en concision ce qu'elle perd hélas en identité, et autant vous le dire clairement, voilà un titre introductif qui ne donne franchement pas envie de poursuivre. Mais heureusement, la patience est une vertu que cet EP sait récompenser.
Non, car le morceau-titre ainsi que les deux pistes suivantes nous ramènent rapidement au To-Mera que l'on a appris à aimer. Julie Kiss, plus versatile que jamais (bien que les limites évidentes de ses capacités soient désormais bien connues), et Tom Mac Lean, en grande forme, s'occupent de structurer des compositions au style reconnaissable entre mille. Et si l'aspect métal a été limité, en revanche, la facette jazzy qui transparaissait auparavant est ici magnifiée, notamment sur la partie instrumentale de "Arcane Solace", un véritable délice. Impromptue et spontanée, la musique de To-Mera l'est toujours, qu'on se le dise ! Les parties de guitare sont par exemple toujours aussi impressionnantes. Et c'est ici que les nouveaux acolytes de la bande sortent l'artillerie lourde, notamment Harrington, remarquable de justesse, qui n'a pas la moindre peine à nous faire oublier Barrett. Et ce n'est pas chose aisée de faire valoir un tel groove lorsque l'on doit composer avec les riffs improbables de Mac Lean...
C'est déjà un peu plus compliqué pour Hen, qui a bien du mal à estomper le souvenir merveilleux du toucher de Sheppard, jeune prodige qui manquera décidément beaucoup au groupe. Son niveau technique ahurissant ne fait rien pour dissiper une impression d'inadéquation, entre des sons plutôt datés, et un jeu qui manque un peu de feeling. Dur contraste pour un groupe aussi avant-gardiste. Ceci étant dit, globalement, il faudrait être mauvaise langue pour nier que ce line-up est probablement le meilleur de l'histoire de To-Mera ! Espérons donc qu'il soit aussi le plus solide.
Le dernier morceau, "Another World", épique et planant à la fois, rappelle à bien des égards le final mémorable de Transcendental, "Realm Of Dreams", et c'était peut-être là le but avoué de cet EP : revenir aux sources pour redémarrer sereinement. La note est sèche, à cause de l'abominable "Mesmerized" et d'un léger manque de sauvagerie, mais voilà tout de même un échauffement de qualité, qui laisse à penser que To-Mera en a encore beaucoup sous le bras, et que le prochain album risque bel et bien de nous mettre à l'épreuve une fois de plus. Si l'inspiration est au rendez-vous, gageons que celui-ci fera parler de lui. Le rendez-vous est pris !