Victor Hugo disait de la musique que "c'est du bruit qui pense". Sans vouloir faire dans l'explication de texte détaillée, c'est vrai qu'il faut bien admettre que la musique n'est rien d'autre que du bruit, intellectualisé et organisé de façon à nous procurer de saines sensations auditives. Mais avec certains artistes, la question est parfois de savoir où se situe la limite entre bruit et musique.
Thinking Plague fait partie de ces groupes qui feraient mourir d'effroi n'importe quel puriste en matière de théorie musicale. Tout ce qui est interdit dans ce domaine, que ce soit du point de vue de l'harmonie ou de la rythmique, est joyeusement mélangé pour donner une espèce d'album absolument inaudible du début à la fin pour une oreille non avertie, tant la dissonance est omniprésente.
Quel intérêt, dans ce cas ?
L'intérêt réside évidemment dans l'originalité : imaginez qu'à côté de "Dead Silence" ou "Les Etudes d'Organism", les morceaux les plus difficiles de Yes et de King Crimson passeraient presque pour des compositions basiques sans aucune surprise !
Ce qu'il faut donc avant tout pour arriver à éventuellement apprécier In Extremis, quatrième album (en 16 ans) de ces américains, c'est une bonne dose d'ouverture d'esprit, de curiosité et un intérêt sans limites pour les expérimentations. Si j'osais, je dirais même qu'il faut un bon casque car faire supporter cela à sa famille peut également être lourd de conséquences.
Si vous réunissez ces quelques conditions, vous allez alors vivre un moment de pur bonheur : j'avoue personnellement que dès la première écoute, j'ai pensé que ces musiciens avaient du génie sans savoir si je les supporterais malgré tout plus d'un quart d'heure. Mais le calvaire qu'ont constitué les cinq premières écoutes a été largement compensé par ce que j'ai pu découvrir ensuite : ne pas avoir de limites peut mener à tout et dans le cas de Thinking Plague, on ne peut qu'être impressionné par une telle absence de concessions.
De plus, il est à noter que l'expérimentation écarte toute facilité qui aurait constitué à utiliser des voix peu travaillées ou des instruments peu courants : ici, on expérimente en utilisant en plus les instruments habituels du rock progressif et une chanteuse à la voix de qualité, bien qu'un peu passe-partout. Pas d'instruments ethniques ou d'ustensiles ménagers pour donner une fausse impression d'innovation ; tout se passe dans l'écriture musicale et l'interprétation.
La production étant parfaite et les musiciens indiscutablement de bons techniciens, il devient extrêmement difficile de mettre une note à un tel album, tant celle-ci dépendra de la personnalité de l'auditeur. J'en connais d'ailleurs beaucoup qui seront horrifiés par la note que je m'apprête à décerner à In Extremis.
Prenez cet avis pour ce qu'il est, à savoir celui d'un chroniqueur parmi tant d'autres, qui ne détient pas la vérité et dont vous ne suivrez l'avis que si vos références sont proches des siennes.
Quoiqu'il en soit, pensez ce que vous voulez de cet album, Thinking Plague aura de toutes façons réussi son pari : vous faire réagir en vous interdisant l'indifférence.