« Tachkent, la capitale de l’Ouzbékistan, est une belle ville moderne entourée de jardins et fontaines… ». Voilà le début d’un discours qui va bluffer plus d’un convive lors de votre prochaine réception à la maison. La suite est disponible sur asie-centrale.com mais méfiez vous, il y a du vocabulaire et des noms compliqués à retenir. Mais là ou vos amis resterons soufflés pour le compte, c’est quand vous leur passerez, pour appuyer votre exposé, la musique de From.Uz (N’oubliez pas de placer le petit jeu de mot sur le nom du groupe).
Là, certains se moqueront ! : « Tu nous bluffes ! C’est le nouveau projet solo de Portnoy ! Ils ont retrouvé des bandes d’un projet de Richard Wright, des gars de King Crimson ! C’est encore un nouvel all star band de jazz fusion !»... Que nenni !
Alors bien sur, vos hôtes seront peut-être surpris par une intro qui avant d’éclater en jolie ballade acoustique passe par des bruitages incongrus (cris, bruits du genre « je range mes stylos qui sont tombés » et autres faux démarrages). Mais ensuite, ils seront happés par les 20 minutes d’un « Parallels » oscillant entre rythmes hypnotico-frénétiques et chapes de plombs oppressantes (Pink Floyd es-tu là ?) où la guitare de Vitaly Popeloff se la joue tantôt Petrucci, tantôt Gilmour, tantôt Knopfler. Mais restez concentré sur votre récit (vous devriez y être au chapitre sur l’agriculture traditionnelle), car certains passages sont tellement appuyés que vos compères risquent de décrocher sur la fin et donc de vous écouter de nouveau.
Par contre sur la suite, vous pourrez en profiter pour caser tout votre vocabulaire branlant et les passages historiques approximatifs car vous aurez définitivement perdu leur attention (oui, jusqu’à la fin !). Durant « Desert Circle », ils seront conquis par la superbe mélodie mélancolique ainsi que par le talent et la finesse de Vitaly et de son batteur hors-pair. Le passage jazzy les emmènera à la folle époque des improvisations d’Al Di Meola et autres John Mac Laughlin, puis au temps du rock à la Mike Oldfield ou Liquid Tension Experiment (la grosse tête en moins).
C’est le moment idéal pour glisser quelques bonnes références sur le folklore de l’Europe de l’Est, la musique tzigane mais aussi les grandes oeuvres de Prokofiev et Stravinski qui peuvent parfois trouver échos dans le travail mélodique de Fromuz. Les tubular-bells de « Bell Of The Earth » apporteront un peu de douceur (idéal pour trinquer et vous rafraichir le gosier) puis vous les perdrez de nouveau avec « Taken », sans doute le titre le plus nerveux, qui surprendra par ses passages de grand piano, et « Influence Of Time », tout en swing grandiloquent et délires inqualifiables (on pense fortement aux passages symphoniques d’un DT sur la fin) mais tellement inspirés et grisants ! Tout juste seront-ils parfois perturbés par quelques sons de claviers incongrus et des samples de voix très « movies » débutant chaque titre (on serait presque gênés de rompre l’intimité du couple discutant en intro de « Taken »).
Enfin, fourbu, vous vous tairez pour apprécier avec eux la ballade finale guitare/voix à fleur de peau (il n’y a que trois passages chantés sur le disque : quelques minutes en intro, en ourto et en toute fin de « Taken ») qui leur rappellera sans le moindre doute les premières notes de l’album. Il y en a au moins un qui fera le rapprochement et vous serez tous repartis pour plus de 70 minutes de musique ! Youpiiii !
Puis quand vers 3 heures du matin les voisins, fans de Johnny (« Et Que de Johnny ! ») vous ramèneront la police, vos amis repartiront le ventre plein, avec un bagage culturel supplémentaire sur l’Asie-Centrale (ça peut toujours servir pour la drague) et avec une seule priorité : Foncer sur le net ou chez son disquaire pour commander le dernier Fromuz et faire enfin passer ce groupe plein de talent dans la catégorie supérieure. Il le mérite diablement !