« Trop, c’est trop ! », voici comment nous pourrions débuter et finir cette chronique. Vous êtes encore là ? Vous trouvez que « c’est un peu court jeune homme » ? Certes, mais pourtant en quelques mots tout est dit au sujet de ce disque, et encore : c’est la forme et non le fond qui permet à l’objet dont il est question de s’appeler « disque ». Mais puisqu’il le faut, allons-y... Détaillons pourquoi cet album n’aurait jamais du voir le jour et pourquoi Nickelback aurait pu s’arrêter là.
Formé en 1995 autour de son leader, chanteur, guitariste, compositeur, machine à café, Chad Kroeger (cherchez l’intru, attention il y a un piège !), Nickelback nous revient rapidement en 1996 avec un album faisant suite à un premier EP allant du médiocre au mauvais. Les bonnes âmes accorderont au groupe le bénéfice de la jeunesse et d’une production déficiente, mais elles seront sans doute très vite rattrapées par l’écoute de ce qui devait donc être ici le premier album « pro » de Nickelback.
Premier constat, mais on aurait pu s’en douter : Chad n’a pas eu le temps de prendre des cours de chant. En matière de grunge c’est une donnée superflue d’après certaines sources, mais d’après mes oreilles il y a incontestablement un gouffre entre le destroy-bien-fait et le destroy-destroy. Gageons que le groupe ne s’en est pas aperçu, mais la quasi-totalité des titres est d’ores et déjà gâchée, dommage.
Deuxième remarque : pour ceux qui comme votre serviteur avait fait ressortir du lot un « Truck » ou un « D.C. » du précédent EP, soyez rassurés, Nickelback s’est évertué à ne reprendre que les titres que nous avions alors déjà trouvés mauvais. On retrouve donc avec un déplaisir certain « Where ? », « Fly », « Left », « Window Shopper », qui même (légèrement) mieux produits restent des épreuves particulièrement désagréables. Et pourtant le groupe ne vas pas en rester là… Car non content de nous infliger à nouveau ses mauvais débuts, il parvient à engendrer huit nouveaux titres atteignant péniblement le niveau des premiers ! « Little Friend » ? Nouvelles vocalises de Chad sur riffs plats. « Pusher » ? Rebelote pour un titre qui ne décolle jamais. « Detangler » ? Précipitation punk qui n’a rien de prenant et tout d’irritant. « Curb » ? Pompe de « Truck » qui parvient à gangréner un des rares moments d’inspiration du groupe !
Vous en voulez encore ? Ma foi, pourquoi pas :
« Falls Back On » ? Une énergie creuse plongée dans un vide mélodique. « Sea Groove » ? Une leçon de lourdeur et linéarité. « I Don’t Have » ? Une synthèse ! Mais, qu’ouïs-je, qu’entends-je : un titre intéressant ? Par toutes les divinités cocaïnées du grunge, ce ne se peut ! Et pourtant si, à travers un marasme qui confine au fiasco le plus absolu, Nickelback parvient à faire jaillir une étincelle dans l’obscurité sous les riffs de « Just Four ». Le chant est mal maîtrisé, le contraire aurait été étonnant, mais il y a bien là ce qu’on attend du genre dont se réclame notre quatuor : l’ébauche d’un hit ! De la tension, une rythmique simple mais prenante, des riffs gras et tranchants, le tout couronné d’un refrain accrocheur : tout cela paraît si évident lorsqu’on y parvient.
Impossible toutefois que cet oasis dans le désert parvienne à étancher notre soif, et The Curb ne peut donc pas éviter un jugement sévère mais mérité. Restait à savoir si la machine allait tout de même parvenir à se lancer, en attendant : « trop, c’est trop ! », point.