Cher Chad,
Pourquoi ? Dis-moi Chad : pourquoi as-tu composé cet album comme tu l’as fait ? Par quel manque cruel d’inspiration t’es-tu à ce point retranché derrière ce que tu savais si bien faire, mais qui sans ce souffle particulier que tu avais jusqu’alors n’est rien d’autre qu’un talent moyen, si ce n’est médiocre ? Tu avais pourtant essuyé bien assez de critiques pour savoir qu’au moindre écart, aucun ne t’épargnerait sous un prétexte fallacieux. Il faut donc que tu m’expliques.
Tout d’abord, que tu m’expliques pourquoi ce premier titre « Follow You Home » s’annonce dans la veine de tes plus grands hymnes, drapé d’une agressivité rare et faisant claquer l’étendard de son refrain comme l’étendard de ton talent, sans pour autant jamais véritablement parvenir à me faire lever le poing ou chatouiller mes cervicales. M’expliquer également pourquoi « Fight For All The Wrong Reasons » me semble vouloir dissimuler des riffs que tu m’as déjà servi sous des effets, des chœurs et un break dont l’agressivité est parasité par la mièvrerie d’un pont inepte.
Ensuite, il va te falloir beaucoup d’imagination pour parvenir à me faire avaler ce « Photograph » si sirupeux que tous les érables du Canada ne parviendraient pas à fournir assez de sève pour en reproduire la consistance ! Alors bien sûr, je me suis bien laissé avoir à la première écoute, mais pour la première fois je n’ai pas eu cette envie irrésistible de me repasser cette ballade jusqu’à me surprendre à en fredonner chaque couplet ou en hurler chaque refrain. Et pour cause : encore faudrait-il que j’ai un refrain à hurler !
Tu vas me rétorquer que tu as quand même inclus « Animals » dans le lot, et c’est vrai que tu as bien fait, comparé à une bonne partie du reste de tes inspirations du moment. Mais est-ce suffisant ? Assurément non : pour que ta recette fonctionne, un hit doit en appeler un autre, et celui-ci ne débouche que sur un guimauvesque « Savin’ Me » à déprimer un clown sous extasie ! Je ne sais pas qui tu voulais sauver avec ce titre, mais prends garde à ses effets secondaires !
C’est à partir de ce moment que tu m’as perdu : « Photograph », passe encore, « Savin’ Me », dur à avaler, « Far Away », overdose. Et ce n’est sûrement pas le faux trafiqué « Next Contestant », son fader et ses mises en écho, qui me relèveront d’une telle dose de morphine. A la limite, je pourrais redresser une paupière pour « Side Of A Bullet » qui te voit plus rageur que jamais pour un hommage au défunt Dimebag Darrell. Belle idée que tu as eu d’ailleurs de reprendre l’un de ses soli, mais malgré la conviction toute Panteresque de ton titre, je suis déjà trop déprimé pour me relever totalement.
Peut-être ne devrais-je pas te livrer la fin de mon commentaire, mais tant qu’à consumer notre amertume, autant le faire jusqu’à la dernière braise. « If Everyone Cared » mérite au moins autant d’attention que ce qu’elle procure en émotion, c’est pourquoi nous nous tairons à son sujet ! Par contre on pourra peut-être sauver les deux dernières compositions plus rock et un brin catchy de ce disque, mais encore une fois : le mal est déjà fait depuis longtemps.
Cher Chad, je sais depuis le temps que tu as vendu des millions de ce All The Right Reasons, et j’ai beau chercher toutes les meilleures raisons du monde, je ne vois pas ce qui le justifie. Tu étais parvenu à imposer ta marque et à grands coups d’une rage mal contrôlée ou d’un pathos trop exprimé, tu t’appliques ici à te compromettre dans une œuvre qui n’est jamais vraiment à ta dimension.
En espérant que tu retrouveras ta route, et moi avec toi,
Un fan.