En 2005, après dix ans d’existence, un EP et cinq albums, Nickelback est devenue une machine commerciale. Envahissant les ondes à chacune de leurs sorties et faisant certifier platine jusqu’à leur premier disque pourtant fort peu glorieux, nos quatre Canadiens peuvent se reposer sur une base de fan internationale et qui semble ne plus porter grande attention à la qualité de ce qu’on lui propose.
Car en effet, non contents d’avoir trouvé la formule miracle pour gravir huit à huit des marches des charts et des nombres de ventes, Chad Kroeger (surtout lui) et sa troupe (beaucoup moins) ont également mécaniser leur musique à l’extrême. Exit la rage des débuts, dehors les grincements ou craquements involontaires, et adieu l’inspiration : place à une machine parfaitement huilée et calibrée, toujours prête à vomir les hits FM les plus racoleurs.
En 2008, Nickelback fait dans le Post-Grunge putassier, oubliant qu’il faut à chaque titre de chaque album se battre pour conserver son auditoire, et pour cause : l’auditoire en question a le porte-monnaie enfoncé si profondément dans les oreilles, que cela fait bien longtemps que ses tympans n’ont plus réellement vibré. Résultat ? Ce Dark Horse contient plus de « Yeah Yeah Yeah » et autre « Oooh, Oooh, Oooh » que toute la discographie du groupe réunie, et c’est un signe qui ne trompe pas.
Pourtant, nous avons voulu y croire, au moins le temps d’un morceau : le terrible et novateur « Something In Your Mouth ». Attention, novateur pour le groupe, pas pour la musique elle-même ! A titre de comparaison, je serais tenté de le rapprocher du travail d’un U2 sur une composition telle que « Discothèque », ou des dernières inspirations de Muse, qui pour sa part n’en manque jamais, sur un Black Holes & Revelations lorsque le groupe convie des éléments électro discrets mais saisissants. Un titre réussi donc, et puis s’en vont… ou restent pour onze de plus malheureusement.
« Burn It To The Ground » creuse le sillon et l’on sent l’indélébile patte de Monsieur Robert John "Mutt" Lange, producteur et compositeur à ses heures pour Def Leppard, AC/DC ou Bryan Adams. Le titre s’articule donc autour d’une ambiance stade et d’un riff en boucle, qui marcheront sûrement en live, mais qui lassent rapidement sur l’album. Le manque de profondeur se fait déjà sentir et l’on se sent déjà las de devoir poursuivre son écoute.
De las, on passe rapidement à exaspéré à l’écoute de la ballade Nickelback « Gotta Be Somebody », marque déposée par le groupe et gage de qualité en des temps qui paraissent déjà immémoriaux. « I’d Come For You » enfonce le clou, « Never Gonna Be Alone » enfonce les portes ouvertes et « Today Was Your Last Day » achève de nous achever.
Du côté des titres plus énergiques, on retrouve les mêmes structures déjà surexploitées, pré-mâchées et prédigérées, du binaire « Next Go Round » à l’émotionnel autant que sautillant « Just To Get High » qui finit par ne plus savoir sur quel pied danser, et nous avec lui. Également tombés au champ d’honneur, le poussif « Shakin’ Hands » et le matraqué « S.E.X. » où l’on comprend enfin que ce disque n’a en fait pour seul but que de servir de rythmique à nos ébats !
Fin d’album et pouf, voici que nos Canadiens nous ressortent l’habituel revers de dernière minute avec un « This Afternoon » plus rock et gentiment entraînant. Malheureusement la mécanique infernale enclenchée avec la touche play a déjà trop bien formaté nos oreilles, on apprécie donc la lueur, mais on regrette qu’il n’y ait pas eu plus de lumière jusqu’ici.
Je ne vais pas pour conclure vous rejouer le débat du commercial : Nickelback a fait selon moi un excellent travail qui s’est parfaitement bien vendu dans un passé pas si lointain et ce ne sont donc pas ses chiffres de ventes que je lui reproche. Le seul véritable reproche que l’on puisse faire aux Canadiens à mes yeux est d’avoir rationalisé jusqu’à la dernière note son approche musicale, délaissant presque irrémédiablement toute émotion primaire. En toute logique, l’album va donc se vendre par camions, mais en toute logique je m’en fous désormais royalement.