Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’après un « Abandon » plutôt sombre, Purple revient avec la banane (elle était facile !). Ce titre, « Bananas », l’un des plus improbables de l’histoire du groupe, n’est pas tout à fait innocent. Gillan, maître chanteur et grand compositeur retrouve ici son mordant, son humour british et son sens de la narration. La musique elle, se fait de nouveau plus vivante et optimiste.
Le seul et triste point commun avec son prédécesseur vient de la collection de titres en demi-teinte. Le plus curieux dans tout cela, c’est que ces derniers sont précisément ceux qui sont le plus calibrés « Deep Purple ». Nous citerons dans le désordre et en trois chevaux « Razzle Dazzle », « Picture Of Innocence » et « I Got Your Number ». Ces titres, bien que sympathiques, manquent vraiment d’originalité et de fraicheur. « House Of Pain » et « Sun Goes Down » se montrent, dans la même veine, un peu plus originaux. Quant à la ballade « Haunted » c’est une véritable faute de goût. Et dire qu’elle fut le premier single de l’album !
Par contre, quand le groupe s’aventure hors des sentiers battus, on se régale. Le très sobre « Walk On », sur lequel Gillan excelle, nous emmène sur les traces d’un JJ Cale alors que « Never A Word », superbe pièce posée dans un écrin (le jeu de Morse est superbe) aurait pu sortir de la besace de Peter Gabriel. Le titre éponyme cache un terrible délire prog' garni de soli néoclassiques et « Doing It Tonight », sorte de tcha-tcha rock très convaincant, pourrait tourner en boucle. L’instrumental final signé Morse possède lui aussi, bien que très épuré, un joli potentiel.
"Bananas" est un album qui révèle tout le dilemme d'un groupe qui a plus de 30 ans d'âge : Avancer ou assurer. Nous en avons la preuve ici : Quand Purple se la joue pilotage automatique, on obtient des titres qu’on a l’impression de connaitre depuis 20 ans, mais avec la surprise et le côté nostalgique en moins. Quand il propose autre chose, on aime, mais est-ce encore le Deep Purple qu’on attendait ?
Dans tout cela, nous avons failli oublier une information capitale : « Bananas » est le premier album du groupe à ne pas créditer le grand Jon Lord. Ce dernier, voyant la retraite approcher et désirant concrétiser des projets autour de la musique classique laisse la place à qui de droit, l’unique Don Airey (Rainbow, Priest, Sabbath, Osbourne et bien d’autres). Si d’un point de vue sonore, cela s’entend à peine, je vous laisse seuls juges de la perte d’un point de vue créatif. Finalement, de la première mouture de 1968, il ne reste plus aujourd’hui que Ian Paice, un batteur d’exception.
Avec cet album, le groupe semble avoir voulu contenter tout le monde et le résultat s’en ressent. Un album sympathique, mais loin d’être indispensable...