Après la phase, un peu chaotique, de mutation qu’a traversé Pearl Jam avec "Vitalogy" et "No Code", ce "Yield" permet à la formation de se stabiliser et de partir sur de nouvelles bases. La lutte de pouvoir qui a opposé Eddie Vedder, principalement à Jeff Ament et Stone Gossard, se termine dans la plus pure tradition Disney ; le chanteur, épuisé par l’énergie qu’il a du déployer pour prendre le contrôle artistique du groupe, change d’optique et opte pour une gestion plus collégiale en suggérant aux autres membres du groupe de s’investir à nouveau dans l’écriture des chansons.
Conséquence directe ou pas de ces changements, "Yield" s'avère bien plus travaillé, cohérent et abouti que ses deux prédécesseurs. On serait presque tenté de dire plus lisse, mais cela ne rendrait pas justice à la richesse et à la variété d’expression dont le groupe fait preuve à l’occasion de ce disque.
Même si le ton général est plus apaisé, il reste toutefois quelques traces de titres à la limite du Punk Rock, à l’instar de 'Brain Of J'. Mais ces accès d’énergies brutes sont désormais des exceptions et le groupe montre un visage de plus en plus mature. Si Pearl Jam se permet toujours quelques digressions comme ce très long passage de batterie et ses harmonies étonnantes sur 'Push Me, Pull Me' et propose des titres surprenants tels 'Red dot' ou bien un 'Ghost Track' assez dépouillé, le ton général va vers un Rock relativement paisible et très porté sur l’expression des émotions ('Faithfull', 'Wishlist').
"Yield" marque donc un retour à une musique plus Rock et plus accessible comme avec le single 'Given To Fly' dont la similitude avec le 'Going To California' de Led Zeppelin est assez troublante, ou le magnifique 'In Hiding', inspiré de l’œuvre de Charles Bukowski. Dommage que le chant ne soit pas toujours aussi convaincant que par le passé et, comme toujours avec Pearl Jam, que les paroles donnent très souvent le sentiment d’avoir été bâclées. Il est à noter que les textes de quatre des titres de l’album ne sont pas l’œuvre de Vedder, mais de Ament et Gossard.
Ce « Yield » n’est peut être pas le chef d’œuvre ultime de Pearl Jam, la faute à une absence de titres réellement exceptionnels mais il se révèle être un disque très honnête et homogène. Pearl Jam n’est plus aussi instinctif que par le passé mais il semble avoir désormais trouvé sa voie artistique.