Marty Friedman est devenu un abonné aux albums de reprises. Déjà en 2006 il avait commis " Kick Ass Rock" dans lequel il reprenait Kansas, Ted Nugent, le BOC, Boston… Il nous revient en 2010 avec "Tokyo Jukebox" dans lequel il reprend des standards de « J-pop », la musique pop japonaise. Il pousse même le vice jusqu’à inclure une reprise déjà présente dans un de ses précédents disques, avec "Sekai Ni Hitotsudake No Hana" du groupe SMAP, que l’on trouvait déjà sur "Loudspeaker" (2007). De manière générale, on ne peut que constater que le guitariste n’a pas perdu de son savoir-faire technique, et qu’il se montre toujours aussi impressionnant un médiator dans les doigts.
Mais alors qu’un album comme "Scenes" (1991) possédait une personnalité propre, ce "Tokyo Jukebox", au-delà de sa nature d’album de reprises, manque singulièrement de formes, de caractère pour se montrer convaincant à 100%. Ainsi un titre comme "Amagigoe" est confondant de banalité et ne parvient à quitter le quelconque que dans sa toute fin qui se révèle, elle, fort réussie. Le côté très « boîte à rythmes électronique » de "GIFT" est très rapidement rébarbatif, et gâche totalement ce morceau, ce qui est dommage car la ligne et le son de la guitare sont très épurés, très beaux. "Yuki No Hana", malgré des parties époustouflantes de virtuosité, se montre également assez ennuyeux.
Mais il y a tout de même de bien belles choses dans ce "Tokyo Jukebox". Le très popisant "Story" est lui d’un bien meilleur niveau, et bénéficie de lignes mélodiques bien plus élaborées. L’objectif de Friedman était de supprimer le côté R&B de la version original pour n’en conserver que l’esprit « J-pop ». On peut également remarquer "Kaeritakunattayo" qui était une ballade avant que Friedman booste ce morceau en lui donnant un esprit assez proche de l’album "The Speed Of Sound" de Ronnie Montrose (on retrouve également un peu de cette influence avec "Yuki No Hana"). Ou bien "Tsunami" qui, de manière assez surprenante, comprend de nombreux passages très guillerets. En s’appropriant ce morceau, initialement interprété par Southern All Stars, Friedman souhaitait créer un hymne national pour un pays imaginaire. "Eki" se montre également un peu plus original, que ce soit au niveau des sonorités ou du thème principal. "Polyrythm" et son rythme très entraînant qui rappelle un peu Freak Kitchen est également intéressant. Le final avec "Asu He No Sanka" et "Romance No Kamisama" renvoi aux ambiances orientalo-tibétaines de son album "Scènes". La musique y est extrêmement dépouillée et les tempos très lents. Rien de bien nouveau, mais c’est agréable, très réussi, et le charme opère.
Le livret du CD, fourmille de détails et explications concernant les différents morceaux, ce qui permet de découvrir une anecdote concernant le dernier titre cité. A l’occasion d’une tournée avec Megadeth, installé dans le Tour-bus, Friedman écoutait le disque dont est extrait ce morceau d’Alan (une chanteuse chinoise) en jouant de la guitare par-dessus. Dave Ellefson, attiré par la mélodie, le rejoignit avec sa basse. Surgit alors Dave Mustaine qui, ahurit, observa la scène et s’écria : «What the Hell happened to my band ?!».
Un album surprenant donc, et possédant de très beaux morceaux, mais un peu frustrant de par l’absence de réelles surprises. Du fait du mode de vie du guitariste, qui vit au Japon depuis 2003 où il anime des émissions TV et poursuit une carrière musicale couronnée de succès, on aurait été en droit d’attendre plus d’influences japonaises traditionnelles. Un peu plus d’exotisme et d’émerveillement. Malheureusement c’est plus la sensibilité «Easy listening» que Friedman a privilégié. Quoi qu’il en soit, "Tokyo Jukebox" reste un bel album de guitares.