Nous sommes en 1990, le mouvement grunge prend de l’ampleur, le trash est à son apogée et un vent de renouveau souffle sur le rock et le métal. Deep Purple quant à lui continue, inébranlable, sa carrière de dinosaure du rock dur. Pourtant, si on se réfère au précédent opus, « The House Of Blue Light », Purple est désormais loin de ses racines et donne dans un Hard Rock Mélodique bien plus facile d’accès, moins osé également.
Avec le nouveau départ de Gillan (on ne peut définitivement pas dire que lui et Blackmore sont de grands amis) et l’arrivée de Joe Lynn Turner qui connait chaque membre du groupe pour les avoir croisés au sein de Rainbow, Purple va revêtir, et ce pour une seule danse, un costume très formaté AOR à tendance FM.
Il y a 15 ans, fan d’un Purple ravageur à la « In Rock » ou « Burn », j’avais bien vite banni cet album à grand renfort d’expressions adaptées à l’ado que j’étais alors. Force est d’avouer qu’aujourd’hui, l’adulte posé et mûr que je suis devenu, fan d’AOR également, a pris une belle claque à la redécouverte de ces titres.
« Slaves And Masters » fait preuve d’une grande maturité et surtout d’un grand sens de la mélodie. Cet album est d’ailleurs sans aucun doute l’un des plus mélodiques de Deep Purple, et Blackmore et Lord sont les grands gagnants de cette histoire (les superbes intros de « The Cut Runs Deep » ou « Fortunteller » le confirment). Un peu plus froid dans sa production, aux ambiances réellement soignées, le nouveau Purple accueille de nombreux chœurs sur les refrains, des violons (« Love Conquers All ») et de belles mélodies éthérées, plus sombres et plus fines. On pense parfois ici à Survivor ou à Toto (« Breakfast In Bed »).
Dès les premières notes de « King Of Dreams », la messe est dite. Démarrant par des bruits de souffle court, ce titre voit le groupe abattre un joli boulot, même si Purple est méconnaissable. L’inspiration est de mise, Turner en grande forme et la basse, métallique, lourde, fait office de métronome. Ce mid tempo bien costaud (et il y en aura d’autres comme « Truth Hurts » ou « Fortuneteller » qui tient le haut du pavé) fait partie des meilleurs moments de l’album.
Dans un genre plus rock, plus direct (plus Purple en fait) on retrouve « The Cut Runs Deep » et « Fire In The Basement » (qui pourrait être le petit frère de « Lazy »), des titres endiablés qui possèdent un charme certain même si le premier se veut plus moderne dans sa conception.
« Love Conquers All » démarre sur un lit de violons pour laisser place à une guitare cristalline portée par la voix de Turner. Une belle osmose pour une belle ballade.
L’album s’achève sur un « Wicked Ways » puissant contenant en son sein un passage symphonique très calme.
Bien que très éloigné des sentiers battus, je le répète, « Slaves And Masters », enfant illégitime de Rainbow, sait convaincre et mérite sans le moindre doute une place de choix dans la longue discographie de Deep Purple.