Les trois Allemands de Dioramic investissent la scène Postcore avec un premier album, Technicolor, qui sans renouveler de part en part le genre devrait tout de même en surprendre plus d’un. Car en onze morceaux plutôt brefs (globalement autour de quatre minutes), le trio réussit à produire un disque à la fois cohérent et extrêmement varié, faisant preuve ainsi d’une maturité toute honorable.
Le ton est donné dès le premier titre, Ghost In The Machine, ouverture violente et technique d’un album qui le sera tout autant. Le son est lourd, puissant et profond, parvenant parfaitement à mettre en relief les multiples variations de climats liées aux différentes techniques de chant tour à tour privilégiées par Arkadi Zaslavski. Ce garçon s’emploie avec une habileté étonnante à passer de growls rageurs à un chant clair typé métal alternatif, sans oublier les scream metalcore puissamment dévastateurs. Et instrumentalement, la qualité est également de mise. Le second titre, Black Screen Goodbye, explore un versant clairement mathcore ; toute la première partie n’est qu’assemblage de cellules rythmiques improbables, avant une respiration plus mélodique qui confère finalement au morceau cette mélancolie qu’en plusieurs occasions il nous sera donné de retrouver par la suite.
Car Dioramic est un groupe qui a décidé de placer les contrastes émotionnels au cœur de son art. Les murs de son sursaturés de riffs échevelés et blindés par des basses omniprésentes ne lui suffisent pas. Bien au contraire, Jochen Mueller sait se faire léger, facétieux même, en proposant le temps de quelques mesures un groove ultra-mélodique sur Arms Of Poseidon, tandis que Eluding The Focus s’ouvre sur une ambiance perversement lyrique très "burtonienne", avant de se prolonger en une alternance de riffs et de scansions dissonantes d’obédience jazz sur fond de clavier électro. En de maintes occasions les influences progressives du groupe, qui cite King Crimson, Yes ou Genesis, éclairent son propos, à l’image d’un Lukewarms Remains particulièrement bien écrit et magnifiquement arrangé pour la guitare et le clavier. C’est aussi le collectif allemand The Ocean (Fluxion) qui s’invite ici, paré de toute la lumineuse finesse de son inclassable Postcore.
L’auditeur se retrouve finalement face à Technicolor dans la même position que l’amateur d’art pictural auquel serait brutalement dévoilée une toile du Caravage : maîtrise absolue du coup de pinceau et des proportions – peinture très classique donc – mais découverte vertigineuse des possibilités d’expression offertes par le clair-obscur et de la tension émotionnelle qu’il induit. Autant dire que pour un premier album, Dioramic vient de frapper un grand coup. Il sera certainement facile aux contempteurs étriqués de pointer ici ou là un manque de cohérence, de relever un ou deux titres prenant le parti de la facilité (The Antagonist et Lost In Error, aux contrastes simplement efficaces. Roses & Echoes, superbe mais au potentiel mélodique insuffisamment mis en valeur). Pour ma part, je ne saurais faire plus longuement écho à de telles critiques, tant le trio tisse avec grâce l’étoffe chatoyante dont il drape avec toujours beaucoup d’à-propos l’agressivité sous-jacente à ce premier et réussi effort !