Espagnol de sol et de sang, Helevorn est par contre scandinave de cœur. Le groupe partage avec ses modèles du Grand Nord un même penchant pour une mélancolie glacée. La présence derrière la console du (décidément) incontournable Jens Bogren (Opeth, Katatonia…) participe en outre de l’arrimage à cette sensibilité septentrionale, même si les claviers sont nimbés de ces touches mélodiques à la méditerranéenne.
Après des débuts sous le sceau du gothic doom bicéphale avec chant féminin clair et grognements de bête en rut, le collectif a très tôt pris ses distances avec ce mécanisme artistique aujourd’hui faisandé pour arpenter depuis son premier essai, des terres plus dark à la Draconian ou Novembers Doom. Après cinq années de silence et fort cette fois-ci de l’appui d’un label sérieux, BadMoonMan, sous-division de Solitude Productions, Helevorn pourrait bien s’imposer grâce à ce deuxième album qui témoigne d’incontestables progrès par rapport à Fragments, son aîné. Si la prise de son est cette fois-ci (forcément) impeccable, c’est surtout en terme de composition et d’arrangement (« To Bleed Not To Suffer ») que la valeur ajoutée des Espagnols a augmenté.
Soigné, chaque titre est une cathédrale de souffrance, comme si ses auteurs portaient sur leurs épaules toute la tristesse du monde. Des lignes de chant clair, lesquelles sont toujours soulignées par des voix caverneuses, et des guitares qui pleurent forment le pinceau de ces sentiments douloureux. Dès le magnifique « From Our Glorious Days », la tragédie commence, le charme envoûtant d’un spleen frissonnant opère. Ce n’est certes pas très original mais le travail est solide et devrait sans peine séduire les âmes perdues qui cherchent à nourrir leur désolation. Des Golgothas tels que « Descent » dont les riffs perçant la brume démontre que Helevorn a bien retenu la leçon enseignée par Katatonia ou bien « On Shores » leur sont clairement destinées.
Dommage que le groupe ne parvienne jamais vraiment à s’affranchir de ses influences ni à briser une certaine monotonie des ambiances et d’un maillage vierge de surprises. Il gagnerait sans doute à casser cette linéarité qui l’empêche d’atteindre totalement sa cible. Toutefois, Forthcoming Displeasures reste un album totalement recommandable et maîtrisé. Helevorn est sur la bonne voie, quand bien même on peut douter qu’il réussisse un jour à réellement quitter les rangs de la série B.