Quand Asia proposa aux masses mélomanes son premier opus en 1982, un sticker sur la pochette mentionnait l’origine des musiciens. Etaient cités, Roxy Music, Yes, les Buggles et ELP. La bête, à l’époque, attira donc l’attention des Progueux. Wetton, Howe, Downes et Palmer restèrent ensemble deux albums et reconstituèrent le carré magique en 2008 avec "Phoenix". A sa suite, voici venir "Omega" qui, comme le dit Wetton, n’équivaut pas à une notion d’album final pas plus qu’ "Alpha" n’avait été utilisé comme titre du premier disque. Nous voilà rassurés. Toutefois, nous pouvons noter ici un retour à la tradition des titres de la discographie d’Asia se terminant par un A. En effet, seuls "Silent Nation" et "Phoenix", les deux plus récents albums, et "Then And Now" (1990) dérogent à cette marque de fabrique. Le bassiste évoque toutefois un lien filial conceptuel entre "Alpha" et "Omega". Alors, amis dinosorauphiles, que vaut ce 15éme opus d’Asia, m’interrogerez-vous de manière empressée ? Voici la réponse, en tous cas la mienne, en quelques paragraphes.
Histoire de changer (boutade) l’album s'ouvre avec un 'Heat…', pardon un hit. En effet 'Finger On The Trigger" uppercute autant que le fameux "Heat Of The Moment" qui inonda les dance-floor (si si je fus témoin) en 1982, il y a 28 ans donc. Mais de quelle potion ces vénérables anciens s’abreuvent-ils pour traverser les ans sans que la fée Inspiration ne cesse de voleter autour de leurs fronts dégarnis ? Un hit disais-je certes, mais patientez, car il y a mieux. En effet, "Holy War", deux plages plus loin aurait pu prendre sa place sans qu’on ne crie au scandale. "Holy War" et ses six minutes de bonheur total qui en font le meilleur titre, question mélodie, qu’Asia ait pondu depuis… une éternité. La palme à ce morceau donc, ce d’autant que "Finger On The Trigger" est en fait une reprise, musclée certes, mais une reprise quand même. En effet, ce titre apparaissait-il y a quatre ans sur le second album d’Icon (II) le side-project de Wetton et Downes.
De manière plus générale, ce disque fait la part belle à Howe dont le toucher imprègne avec évidence l’intégralité de l’œuvre. Ce n’est rien de le dire, mais ça fait un bien fou car Asia n’est jamais aussi talentueux que lorsqu’il parvient à imbriquer touches progressives et mélodies Pop Rock. La fin d’ "End Of The World" sonne par exemple très Yes, tout comme certains passages de "Trough My Veins", de "There Was A Time", et plus particulièrement de "Light The Way". Quant au très mélodieux "Listen Children", sur lequel Wetton nous gratifie d’un «écoutez» en français dans le texte s’il vous plaît, il contient quelques interventions fabuleuses du guitariste. Mais où Howe a-t-il donc déniché des cordes en cristal ?
Pour revenir quelques instants à Wetton, sachez que sa voix est toujours aussi envoûtante. Il magnifie une fois de plus les compositions. Sa voix, reconnaissable entre mille, ce qui n’est pas donné à tous les frontmen, porte en elle, telle une bannière qu’on agite aux quatre vents, les émotions contenues dans chaque titre même les plus simples, comme "Emily" où un "C’est la vie" qui nous amènerait presque à penser que Wetton apprécie la langue de Molière. Ce dernier, qui était un homme de goût, aurait certainement par ailleurs apprécié le travail essentiel de Palmer sur cet opus. Si vous prêtez l'oreille, car vous serez tant envoûtés par les mélodies qui explosent à foison sur cette oeuvre que vous pourriez passer à côté, vous apprécierez, à n'en pas douter, sa qualité de frappe.
Les harmonies vocales d’Asia font partie de la marque de fabrique du groupe et sont ici une fois de plus peaufinées à l’extrême. Leur secret doit être bien gardé car peu de groupes parviennent à se hisser à leur niveau. Parfois, celles-ci nous rapportent aux meilleurs moments d’ELO comme sur "I’m Still The Same" ou "End Of The World". ELO dont le fantôme vient nous hanter également sur les premières envolées de "Finger On The Trigger" après le riff d’attaque. Au jeu des rapprochements nous pourrions également citer le magnifique "There Was A Time" qui exhale quant à lui une atmosphère médiévale.
"Omega" va probablement faire naître quelques débats, comme c’est toujours le cas lorsqu'une grosse pointure sort un album, mais mon petit doigt me dit que l’atmosphère qui règnera en leur sein sera dithyrambique. En effet, avancer que ce cru 2010 est le plus gouleyant de la production d’Asia depuis… "Asia" ne saurait être considéré comme une ineptie. Les magiciens osent (hum) combiner enfin ici à nouveau, avec une insistance et une réussite longtemps oubliées, leurs talents de machinistes à tubes et leurs technique et sensibilité d’hommes de Prog.