Quel lien y a-t-il entre Mike Ratledge, membre du monstre psychédélique et incontournable Soft Machine et Beppe Crovella, claviériste du prog/jazz rock band Arti & Mestieri en dehors de leur âge et leur goût prononcé pour les bizarreries musicales ? Eh bien cet album justement : “What’s Rattlin’ On The Moon : A Personnal Vision Of The Music Of Mike Ratledge”.
Beppe Crovella aime rendre hommage à ses contemporains avec toute sa batterie de claviers sous le bras, le plus souvent en mettant l’Hammond en avant, et il ne déroge pas ici à la règle. Mais en s’attaquant au catalogue de Mike Ratledge, le pari était risqué.
Force est de constater que Crovella s’en sort plus que bien ! Si parfois l’œuvre originale de Soft Machine est reconnaissable, le plus souvent, Crovella, maître de l’interprétation libre, s’éloigne tellement du titre original qu’il en devient presque méconnaissable (en dehors d’un bout de mélodie en introduction, voire en milieu de titre). Plus encore, sur « As If » par exemple ou «Out-Bloody-Rageous» (avec ses touches bluesy), il surpasse l’œuvre du maître en s’aventurant bien au-delà du terrain de jeu de Ratledge.
Rappelant en de nombreux moments les délires solièsques de Neal Morse et Ryo Okumoto lors des débuts de Spock’s Beard, cet album osé démarre telle une sorte de farce. « Tarabos » se construit comme une compilation des meilleures intro de l’histoire de la musique (et certaines vous feront immanquablement écho) : entre grosse distorsion et sons de claviers à l’ancienne, en passant par le grand piano, tout y est. Très vite, on se rend alors compte que cet album ne sera pas comme les autres. Ceci est confirmé dès le second titre (nous devrions plutôt parler d’étapes, d’escales), un « Chloe and The Pirates » très axé piano bar puis virant en délires extra-terrestres.
Pas besoin de citer alors un titre plus qu’un autre : Si vous en aimez un, vous les aimerez tous. Explorant tous les sons de claviers possibles et imaginables, et ce sans le moindre appuis d’une section rythmique, Beppe Crovella nous entraine dans un voyage explorant des contrées nouvelles et étranges, surprenant l’auditeur à chaque nouveau méandre, exprimant tour à tour des ambiances familières, chaleureuses, relaxantes, dérangeantes parfois ou comiques lors des premières écoutes, nostalgiques ou incongrues (la voix d’opérette sur « The Man Who Waved At Trains » ou le court passage orchestral de Be Bop à la fin de « Hibou, Anemone And Bear »).
Dans un tel registre, rien n’est prévisible. Le claviériste nous mène par le bout du nez et ce souvent pour notre plus grand plaisir. Beau, tout simplement, cet album mérite vraiment que l’on s’y attarde pour peu que l’on parvienne à surmonter la grande surprise voir la frustration qu’il dégage de prime abord.