Capturé durant le «Yield Tour», ce "Live On Two Legs" est le premier album Live de Pearl Jam. Il s’agit en fait d’une compilation de morceaux enregistrés sur 16 dates différentes durant l’été 1998. La version proposée ici du titre "Even Flow" étant même issue d’un mixage de deux concerts différents. Nous sommes donc là à des années lumières du concept que le groupe utilisera quelques années plus tard en sortant plus de 60 albums live de la même tournée soit la quasi-totalitéé des concerts donnés en Amérique du Nord. Difficile d’affirmer avec certitude quelles ont été les raisons qui ont poussé le groupe à opter pour cette solution plutôt que pour celle d’un disque capturant l’ambiance d’un seul et unique concert. Toujours est-il que l’on peut imaginer que la volonté de proposer un produit le plus professionnel possible soit la principale raison.
Ce choix a malheureusement pour effet de renforcer un des sentiments que l’écoute de cet album procure ; celui que le groupe a un peu délaissé la folie et la spontanéité de ses débuts pour adopter un comportement bien plus maîtrisé et tempéré. Si cette tendance est naturelle en soit, elle peut surprendre lorsqu’elle émane d’un groupe qui a toujours affiché ses velléités d’indépendance et d’originalité. Cela se ressent au travers d’interprétations assez sages et convenues et d’une ambiance générale plutôt calme.
En effet, même si des titres comme "Hail, Hail", "Do The Evolution" ou "Go" sont par nature assez pêchus, nous étions en droit d’attendre des versions atomiques pour faire contrepoids à la majorité de titres acoustiques ou bien mid-tempo (l’excellent "Untitled / MFC", la première partie de "Betterman"). Mais le groupe s’inscrit ici dans une ambiance calme et folk qui pourrait être le prolongement des albums réalisés avec Neil Young ("Merkin Ball" et "Mirror Ball"). Ce dernier est d’ailleurs à l’honneur puisque Pearl Jam clôture son album avec "Fuckin’ Up", un titre du canadien que le groupe reprend quasiment note pour note (si l’on excepte les trous de mémoire d’Eddy Vedder). En outre, des paroles et parties d’un autre titre de cet artiste ("Rockin’ In The Free World") sont intégrées à "Daughter".
Au-delà du ton calme de l’album, il est regrettable que le groupe reste aussi proche des versions originales de ses chansons. Alors qu’en studio, il semble fréquemment partir dans des digressions musicales plus ou moins contrôlées, là nous avons un Pearl Jam qui reste un peu trop mou du genou, et surtout trop fidèle aux versions studio. Hormis le cas déjà évoqué de "Daughter", il n’y a guère qu’au travers d’une version magistrale de "Black" au final époustouflant, ou bien du bouillant "Do The Evolution" que le groupe se fend d’interprétations réellement originales. Pour le reste, nous avons surtout droit à des versions très comparables à leur pendant studio, avec une production de qualité très discutable en surplus. En effet, la qualité du son est parfois assez médiocre. C'est notamment le cas avec un public mixé bien trop en avant ce qui est dommageable lors des titres acoustiques (et ils sont nombreux).
Le disque est toutefois sauvé du naufrage par une setlist imparable qui met bien en valeur les talents de composition de Pearl Jam et qui, à malgré l’absence de "Jeremy" ou "Animal", fait la part belle aux plus grands standards du groupe. Il n’en reste pas moins que, loin de nous pondre le témoignage burnée d’un groupe que nous savons capable d’être énorme en public, Pearl Jam se contente de nous pondre un "Live On 2 Legs" là où nous aurions aimé le voir sortir ses tripes.