Groupe italien dont "Another paradise" est le troisième album, Edge of Forever a subi de grands changements de personnel depuis ses débuts et même depuis son premier opus en 2004 avec notamment un nouveau guitariste (arrivé après la sortie du précédent disque) et toujours le batteur de U.D.O., Francesco Jovino. C'est le claviériste et leader du groupe Alessandro Del Vecchio, un vétéran de la scène rock, qui a pris les vocaux en charge et on peut dire que le gars n'est pas vraiment un chanteur par défaut. Son timbre est certes un peu éraillé mais il est puissant, juste, son accent anglais est plus que correct et il a le bon goût de ne pas trop forcer ! Bref, notre homme fait aussi bien et voire mieux que beaucoup de vocalistes qui ne sont pas des instrumentistes.
La musique de Edge of Forever est dans la tradition hard-rock mélodique/metal des années fin 70, et surtout les années 80 avec comme références des groupes comme Giuffria et House of Lords : puissant pour ne pas dire pompeux, grâce aux claviers du sieur Del Vecchio, tour à tour traditionnels (Hammond) mais plus souvent modernes (synthés orchestraux et solos tourbillonnants). Le côté néoclassique et l'influence de Yngwie Malmsteen, nettes sur le premier disque, ont diminué avec le départ de leur guitariste initial.
Les morceaux sont le plus souvent basés sur différents types de tempi moyens ou un peu rapides, des riffs de guitare relativement peu complexes mais accrocheurs, avec surtout des passages au son plus cristallin, plus léger, le tout enrobé dans des claviers aux sons variés. Un point essentiel qui n'a pas changé vient des refrains vraiment très accrocheurs… On pourrait parler d'AOR aujourd'hui et pas mal de morceaux sont effectivement à placer dans le genre mais il y aussi ce côté plus agressif, toujours mélodique mais avec un son plus puissant, une nuance épique parfois, une atmosphère un peu plus sombre, qui fait la différence. On est de toute évidence loin de Journey et Foreigner dans ces moments là et plus proche des deux groupes cités plus haut ou du Rainbow des années 80. Le groupe semble également plus à l'aise dans des morceaux dont la durée dépasse un peu les 5 minutes, ce qui lui laisse le temps d'inclure un peu plus de variations, de parties instrumentales. Dommage par contre de ne pas carrément aller explorer des territoires un peu plus progressifs à l'occasion en incluant un ou deux morceaux "à tiroirs".
Techniquement parlant, les musiciens connaissent leur affaire. Alessandro Del Vecchio délivre des soli courts mais pas vraiment simplistes. C'est également le cas du guitariste Walter Caliaro au style très fluide, et dont le son clair en lead est un régal. Dommage qu'il ne développe pas un peu plus ses parties solistes. Quelques invités apportent encore un peu de variété à l'ensemble, comme Roberto Tiranti, le chanteur de Labyrinth ou encore le guitariste Jgor Gianola (U.D.O., Jorn Lande) qui interprète un solo de guitare.
Del Vecchio démontre sa capacité à composer des ballades avec "What I've never seen", sur un tempo quelque peu lancinant, dont les arrangements apparemment simples sont en fait enrichis par divers claviers dont du piano et des parties vocales entremêlées. En parlant de sonorités, il est amusant d'entendre des sons carrément plus dignes de Tangerine Dream en intro de "What a feeling", la reprise du morceau si célèbre interprété par Irene Cara dans le film "Flashdance" ! Allez, vous le connaissez forcément celui-là, tellement on nous l'a matraqué sur les ondes en France ! Une reprise fort sympathique, avec un surplus de guitares, un bon solo, quelques harmonies proche du style de Brian May (Queen), des chœurs très développés… Bref, c'est mieux que l'original !
L'album s'achève avec deux titres assez différents : le très AOR mais puissant "Eye of the storm" au rythme martelé, qui fera sûrement un bon hymne hard-rock sur scène et le plus varié "Against the wall", qui démarre sur un air mélancolique à la guitare acoustique avant de partir sur un rythme moyennement rapide, un refrain avec chœurs assez archétypique – du genre "hymne hard-rock 80's" –, un solo d'orgue Hammond et un de guitare. Terminons en parlant de la production qui est excellente, le son chaleureux et clair (la batterie est puissante mais pas pachydermique et presque feutrée), ce qui est sans doute un point fort comparé au son plus ou moins artificiel de nombreux disques des années 80.
Bref, voici un disque que l'on pourrait qualifier d'inattendu sans être révolutionnaire mais relativement varié et vraiment bien fait, auquel le retour de quelques éléments néoclassiques et une petite touche progressive ici et là ne feraient pas de mal. Encore un bel objet, qui n'a rien à envier aux meilleures productions américaines et européennes des 25 dernières années dans le genre...