Les ancêtres ont la peau dure. Prenez Rotthing Christ par exemple. On a vraiment l’impression que, depuis sa signature chez Season Of Mist pour l’album Theogonia, les Grecs ont subi une cure de jeunesse. Non pas qu’ils aient fait montre par le (récent) passé d’un manque de vigueur, lequel aurait été bien compréhensible avec l’âge, mais ils offraient toutefois l’image d’un groupe en panne sinon d’inspiration au moins d’une ligne directrice stricte et précise. Ont-ils avalé du Viagra par boîte de 12 ? De l’EPO ? On ne sait. Ce qui est évident par contre et qui explose aux oreilles dès que Aealo commence à tourner sur la platine est que le Christ Pourrissant n’a peut-être jamais été aussi conquérant et guerrier. En un mot, triomphant.
Puisant son essence dans une thématique antique, ce que confirme le recours à des chœurs et chants féminins (notamment dus à l‘excellent collectif Daemonia Nymphe), véritable fil d’Ariane de ce récit épique, la phalange livre un album en tout point parfait, dont aucun temps mort ni baisse de régime ne vient en affaiblir la puissance de feu.
Basé sur des titres courts et d’une efficacité éprouvée, Aealo (apocalypse, catastrophe en grec) aligne les morceaux de bravoure à la vitesse d’un torrent en crue au point que ces cinquante minutes de musique passent beaucoup trop vite. De l’inaugural « Aealo » à l’entêtant « Demonon Vrosis », et son riff qui laboure les chairs, du paradiselostien « Thou At Lord » (clin d’œil appuyé à l’autre projet des frères Tolis) et sur lequel Alan de Primordial et Magnus de Necromantia apparaissent, à l’implacable « Noctis Era » sans oublier le très black metal « Santa Muerte » et le sombre « … Pir Threontai », la maîtrise est totale. Seule peut-être la longue relecture terminale du « Orders from The Dead » de la cantatrice déglinguée Diamanda Galas, qui en assure d’ailleurs les lignes vocales, pourra surprendre voire décevoir, quand bien même, elle se fond admirablement dans ce décor homogène.
Plus que la production, assurée par Sakis lui-même et absolument énorme, c’est surtout le travail sur les guitares leads qui impressionne. Les monstrueuses premières mesures de « Fire Death And Fear » sont à ce titre révélatrices du soin et de l’inspiration portés à cette partie de la composition.
Aealo réunit donc tout que Rotting Christ sait faire de mieux et devrait sans peine satisfaire les inconditionnels d’un groupe qui semble, après des années passées à modifier son style, être enfin parvenu à stabiliser son approche du black metal dont les atours franchement mélodiques et heavy n’étouffent pas cette noirceur méditerranéenne qui n‘appartient qu‘à lui. Un très grand disque.