Pour être honnête, Rajna est une entité à laquelle je ne me suis jamais réellement intéressée. Néanmoins, j’ai suivi leur parcours depuis la fin des années 90, témoin anonyme et lointain de l’édification de leur temple qui comprend désormais une dizaine d'albums. J’ai bien écouté quelques titres sur divers samplers sans que ceux-ci, bien qu’agréables, ne me donnent l’envie de franchir le pas et de découvrir plus à même son univers.
Alors, qu’est-ce qui aujourd’hui m’a fait changer d’avis ? C’est simple et se résume en un seul mot : Equilibrium. Installé au Portugal, ce label exigeant est de ceux (il y en a encore) qui ne signent par n’importe quoi et qui préfèrent la qualité à la quantité. Ion, Dwelling, Arditi ou Les Fragments de la nuit sont ainsi quelques uns des projets qu’il soutient. Le fait que Rajna ait rejoint ces derniers au sein de cette écurie m’a donc incité à me pencher (enfin !) sur sa musique.
Et j’ai été agréablement surpris par l’excellence de cette nouvelle offrande. Offering est une perle de sonorités épicées et vaporeuses. Jeanne et Fabrice demeurent fidèles à leur identité inspirée par le folklore oriental qu'ils enrichissent de couleurs empruntées à la Méditerranée, décor de ce disque conçu comme un voyage à travers les pays qui la bordent. Les influences Dead Can Dance sont toujours perceptibles, notamment à travers des lignes vocales qui parfois évoquent le spectre de la déesse Lias Gerrard (« Illa Saldé »).
Cette œuvre est un enchantement de tous les instants, jamais ennuyeux, toujours sensible et délicat. D’une puissance dramatique bouleversante, ces mélopées sont dessinées par de fins pinceaux trempés dans des teintes au mysticisme sombre. La voix profonde de Jeanne et les instruments de Fabrice fusionnent en une myriade de sons ethniques chatoyants, porte d’entrée, incarnée par l‘inaugural « The Arrival », d’un univers à la dimension introspective évidente.
Mais loin de la musique relaxante ou new-age, Offering transpire tout du long une forme de tristesse terreuse qui touche l’âme autant que le cœur (« The Dance Of Cléomène », « Cycléades » …). Et lorsque le chant reconnaissable entre mille de Aret Madilian (leader du groupe Deleyaman, également chez Equilibrium) résonne lors du crépusculaire « Quiet Hour », il est impossible de ne pas ressentir des frissons, d’être emporté par un souffle d'une gravité propice au recueillement.
Plus que jamais, Rajna possède la qualité rare de transporter ses auditeurs très loin du quotidien. Admirablement produit, équilibré et varié (le plus léger "Never Land" ), Offering propose dix complaintes belles et fortes dont les mélodies sont inoubliables, à l’image des magnifiques « Ephesus , « Eleusis » et « Epidauros » et, ce faisant, s’impose sans aucun doute comme l’une des pierres angulaires des deux français.