Lorsqu'il sent que sa fin est inéluctable, un scorpion préfère mettre fin lui-même à ses jours plutôt que de courber l'échine. Ce trait de caractère de l'animal se retrouve, paraît-il, chez les natifs de ce signe de l'horoscope. Voilà qui expliquera également la triste nouvelle annoncée par les membres de ce groupe légendaire qui ont décidé de mettre un terme à une aventure de 45 ans plutôt que de se voir décliner. Mais avant de quitter la scène, les légendes de Hanovre nous offrent un dernier album qu'elles défendront encore pendant 2 ans sur les routes.
Pour ce qui sera son testament discographique, le quintet a décidé de nous inviter dans un voyage vers la source. Finies les expérimentations et les enregistrements au pays de l'oncle Sam, et retour en Europe pour accoucher de ce "Sting In The Tail". Les manettes sont confiées à deux producteurs suédois (Mikael Nord Andersson et Martin Hansen) et l'enregistrement de la plupart des pistes se fait à domicile, dans le studio de Rudolph Schenker (sauf le chant enregistré à Stockholm). Voilà qui prouve que le groupe avait besoin de retrouver ses racines pour pousser son dernier cri, et l'effet est immédiat avec un retour au cœur de la période bénie des années 80.
En effet, les références aux albums "Blackout", "Love At First Sting" et "Crazy World" sont pléthores, et ceci pour notre plus grand plaisir, à commencer par la ballade "Sly" qui reprend les initiales du tube interplanétaire "Still Loving You" pour rendre hommage aux nombreux couples qui se sont formés en dansant sur ce titre mythique, tout ça sur une mélodie qui n'est pas sans rappeler une autre célèbre ballade du combo: "When The Smoke Is Going Down".
Mais c'est tout cet album qui transpire les effluves de cette époque ! Klaus Meine est toujours aussi impérial et la paire Schenker – Jabs dégage une complicité rare et précieuse. Ecoutez le double solo en harmonies sur "Sly" et vous comprendrez ! Les titres alternent entre le Hard Mélodique période "Love At First Sting" ("Raised On Rock", "No Limit", "Turn You On"), riffs plus tranchants période "Balckout" ("Sting In The Tail" ou un "Rock Zone" aux accents de "Dynamite"), et ambiances accrocheuses époque "Crazy World" ("Slave Me"). Sans oublier les traditionnelles ballades parmi lesquelles nous citerons la sublime "Lorelei" à la mélodie de clavier obsédante (et n'étant pas sans rappeler un certain "Wind Of Change"), et au refrain envoûtant. Quant au mid-tempo "The Good Die Young" qui nous offre le plaisir de retrouver Tarja Turunen aux chœurs, c'est probablement le titre le plus sombre, traitant de la guerre au Proche-Orient.
Et pour mettre un terme à cet album d'adieux, Scorpions nous offre 2 morceaux chargés de sous-entendus. Sur un "Spirit Of Rock" mélodique et au potentiel d'hymne, Meine et consorts nous glissent des paroles telles que "we are eternity" ou "the spirit of rock will never die", aux allures de testament, alors que la ballade "The Best Is Yet To Come" clôture l'ensemble sur un titre en forme de sacré clin d'œil. Voilà ce qui s'appelle finir en beauté car, s'il est tout ce qu'il y a de plus classique pour le quintet, "Sting In The Tail" n'est ni plus ni moins que le meilleur album des Scorps depuis "Crazy World", et un véritable condensé de ce que le groupe sait faire de mieux. Voilà qui partagera nos sentiments entre une infinie tristesse de voir cette légende nous quitter après nous avoir accompagné tout au long de notre vie d'amateur de "rock musclé", et l'envie de saluer debout des hommes qui auront réussi ce que peu de leurs confrères ont su faire: partir au sommet de leur art en laissant d'eux la plus belle des images. Bravo Messieurs et merci pour tout ce que vous nous avez apporté! Vous allez nous manquer!