Il faudra attendre trois ans pour qu'Emperor propose un successeur à "In The Nightside Eclipse". Le groupe doit tout d'abord se reconstruire, car Faust a entre-temps été condamné pour meurtre. C'est Trym, le batteur d'Enslaved, qui va désormais occuper le poste au sein du combo de Telemark. Tchort est quant à lui pleinement accaparé par son autre projet, Green Carnation, et ne reviendra plus. L'inconnu Alver le remplace au pied levé, et à la fin de l'an de grâce 1996, le quatuor s'enferme au Grieg Hall de Bergen et enregistre ce qui deviendra pour beaucoup un chef-d'œuvre absolu. "Anthems To The Welkin At Dusk" est plus qu'un simple disque, c'est un manifeste.
Celui d'un genre, tout d'abord puisque tous les éléments propres au black métal "traditionnel" sont présents: production rustre, rythmes frénétiques, cris râpeux et ambiance glaciale. Mais Emperor est une entité unique qui utilise certes des codes mais qui se les approprie pour créer sa propre personnalité. Celui d'un style ensuite, car cette sortie aura dans les années qui suivirent un impact retentissant, étant même élu album métal de l'année dans de nombreux magazines (Terrorizer, Metal Maniacs, etc.).
Flamboyant et intransigeant, le black métal d'Emperor flirte cette fois ouvertement avec le métal progressif, encore embryonnaire à l'époque, en incluant encore plus d'arrangements et même des parties en chant clair qui pourtant ne dénotent pas avec l'atmosphère épique et apocalyptique des compositions. Le meilleur exemple de ce melting-pot est probablement "With Strength I Burn", véritable pièce d'orfèvre, hymne païen qui laisse éclater aux yeux du monde l'incroyable talent d'Ihsahn et de Samoth, deux auteurs / compositeurs à la vision similaire, cohérente et singulière de ce que doit être la musique.
Théâtral, éprouvant et sans concession ("Ye Entrancemperium" épuisera les plus enhardis), "Anthems To The Welkin At Dusk" est un tourbillon qui laisse l'auditeur sous le choc, hébété par une telle débauche d'énergie primaire, mais également admiratif devant la complexité de ces pistes au niveau d'écriture élevé. Encore plus difficile d'accès que le précédent, il nécessite une réelle concentration mais le jeu en vaut largement la chandelle.