"The beatles" a été composé en Inde, lors d’un séjour de méditation, dans un état de fièvre créatrice débridée dont les fruits seront utilisés jusqu’à la séparation du groupe. Les Beatles sont toujours à ce moment les fabuleux inventeurs qui nous ont donné "Sgt Pepper" ou "Revolver" : John et Paul se retrouvent tous les après-midi, entre deux moments de méditation, pour composer, confronter leurs idées et toujours évoluer. Délaissant le psychédélisme, les 4 garçons vont retourner vers un style plus rock'n'roll et décident d’enregistrer un double album : Ainsi ils pourront chacun mettre dedans tout ce qu’ils veulent. Chacun va laisser libre cours à son imagination et ses désirs, et ce sera même l’occasion pour Ringo de publier le premier titre qu’il a composé en 1964 ! ('Don’t Pass Me By').
Cependant, les sessions d’enregistrement vont se dérouler très différemment. La présence constante de Yoko Ono au milieu du groupe va être responsable de l’ambiance délétère qui va progressivement s’installer. Très rapidement, les membres du quatuor se retrouvent à enregistrer plus ou moins séparément, n’utilisant les autres quasiment que comme des musiciens de session ! Loin de la fusion qui s’était opérée lors de la captation de leurs précédents opus, nous assistons ici à une “personnalisation” des titres. John et Paul plus particulièrement tirent leurs compositions dans la direction qu’ils ont décidée de prendre. Le climat est tellement tendu que Ringo s’évade en Sardaigne ce qui oblige Paul à tenir la batterie sur 'Back In The USSR' et 'Dear Prudence'. Au final, "The White Album" apparaît plus comme la très belle réussite d’une somme d’individualités brillantissimes que comme l’œuvre d’un groupe totalement solidaire. La cohésion se retrouve parfois miraculeusement, comme dans 'While My Guitar Gently Weeps', 'Birthday', 'Yer Blues' ou 'Helter Skelter'.
Et c’est d’autant plus dommage que les individualités brillent de tous leurs feux ! Paul fait montre d’un éclectisme ahurissant, passant avec une facilité déconcertante du Rock ('Back In The USSR'), au Jazz ('Honey Pie'), au Hard-Rock avant l’heure ('Helter Skelter' surprenant), au country western ('Rocky Racoon'), au pop-ska ('Obladi-Oblada'), au ragtime ('Martha My Dear') et à la ballade acoustique ('Mother Nature’s Son')...
Quant à John, il innove dans les textes : 'Revolution 1' est le premier titre ouvertement politique du groupe et il se met à nu dans des compositions très intimes ('Glass Onion, Yer Blues, I’m So Tired'). En plus, il innove musicalement : 'Happiness Is A Warm Gun', avec ses nombreux changements de rythme et un passage polyrythmique, est quasiment progressif ! Il expérimente dans un collage sonore propice à toutes les élucubrations analytiques (Revolution 9, en réalité à peu près inécoutable !). Et George nous livre quatre morceaux tous très différents, avec Eric Clapton en guest-star dans un While My Guitar Gently Weeps inoubliable. Et Ringo soigne de plus en plus ses partitions de batterie...
"The Beatles" album est donc un magnifique cadeau pour les fans des Fab Four avec plus d’une heure et demie d’enregistrements et le seul double album dans la carrière du groupe. Il représente la troisième meilleure vente parmi les LP des Beatles, après "Sgt. Pepper" et "Abbey Road". Même s'il n'est peut être pas l'album à conseiller en premier pour aborder l’œuvre des Beatles, il reste tout de même un prodigieux témoignage du génie créatif de ces individualités qui ont marqué l’évolution de la musique !