Seuls rescapés du groupe d'origine, les frères Décamps continuent vaille que vaille leur avancée dans la décennie 80 qui s'avéra pourtant fatale à de nombreux groupes progressifs, en publiant en cette année 1984 un concept album sobrement (!) intitulé Fou.
Fortement ancré dans les sonorités des 80's, les claviers analogiques ayant quasiment disparu du paysage, l'album s'ouvre avec Les Yeux d'un Fou, plage qui synthétise parfaitement l'esprit de l'album, tant sur le plan musical qu'au niveau du contexte. Une douce folie envahit l'auditeur, accentuée par la rythmique dynamique insufflée par Jean-Claude Potin et Laurent Sigrist, ainsi que les interventions tranchantes de Serge Cuenot aux guitares. Une vraie réussite, injustement oubliée (à mon sens) dans les prestations scéniques du groupe.
Suivent ensuite trois titres dans la lignée de Vu d'un Chien ou Moteurs, ni bons ni mauvais, tout simplement passables. La suite est heureusement bien meilleure.
C'est tout d'abord Cobaye qui clôture la première face, en réinstallant la folie initiée en ouverture d'album, avant que les 6 plages de la face B ne fassent basculer ce disque dans la dimension supérieure, celle des grands albums angéliques.
Du très progressif Les Fous Demandent un Roi, au sublime hymne Crever D'Amour, en passant par le subtil et déglingué Fou, Ange nous emmène dans sa folie ordinaire, au gré de la poésie parfois lubrique des mots de Christian et des arrangements peu ordinaires de Francis.
Alors certes, nous sommes loin ici d'Au-delà du Délire et d'Emile Jacotey, notamment sur le plan sonore où les Hammond et Mellotron sont complètement absents, au profit de sonorités beaucoup plus modernes. Il n'empêche que Fou s'écoute avec un plaisir sans cesse renouvelé, parvenant à instaurer chez l'auditeur ce petit grain de folie qui fait décoller les neurones vers le plaisir.
Incontestablement le meilleur album du groupe de cette période.