Les frères Robinson semblent perdus. "By Your Side" a été un échec relatif alors qu'il était plutôt calibré à des fins commerciales. Puis sont venus les concerts en compagnie de Jimmy Page avec son album témoignage "Live At The Greek" qui a eu un succès plus que d'estime, malgré des démêlés contractuels entre maisons de disques. Au moment d'aborder ce nouvel opus, et alors que le line-up est à nouveau modifié (départ du bassiste Sven Pipien remplaçé par le guitariste Audley Freed alors que Rich Robinson assure la basse en plus de sa six-cordes), les Black Crowes ne savent plus s'ils doivent revenir à leurs racines, continuer dans une voie plus commerciale, voire s'inspirer un peu plus de l'œuvre de Led Zeppelin.
Au bout du compte, ce "Lions" à la pochette psychédélique semble chercher la direction à suivre alors que la production assurée par la légende Don Was (Bob Dylan, Iggy Pop, Rolling Stones…) ne laisse pas la musique du groupe respirer comme elle le nécessite. L'enchaînement des titres sans temps mort est plutôt intéressant en ce qui concerne la dynamique de l'ensemble, mais plusieurs titres sont alourdis par une accumulation de pistes inutiles. Même Chris Robinson n'est pas aussi impérial que d'habitude et le refrain de la pourtant sympathique ballade "Losing My Mind", le voit flirter avec des limites dont il est d'habitude fort éloigné. Pour la première fois, nous voyons le combo nous pondre des titres un peu poussifs ("Midnight From The Inside Out"), voire lourdauds ("No Use Lying"), alors que certains sont tellement déjantés qu'ils ne semblent pas trop savoir où ils vont ("Cosmic Friend").
L'ensemble est cependant loin d'être désagréable, ce qui aurait été franchement surprenant de la part d'un groupe de cette qualité, mais on est bien loin des sommets qu'il avait pour habitude de nous faire fréquenter. Quelques titres sortent cependant du lot comme le dynamique "Lickin'" au riff à la fois obsédant et accrocheur, le dynamique et psychédélique "Come On" et sa section de cuivres, un "Soul Singing" aux chœurs gospels posés sur des arpèges folks, la ballade semi-acoustique "Miracle To Me" gorgée de feeling, et un "Lay It All On Me" final qui voit enfin les corbeaux prendre leur envol.
"Lions" possède donc son lot de titres de qualité et n'est handicapé par aucun mauvais morceau. Nous sommes cependant en droit d'attendre beaucoup mieux des frères Robinson qui semblent à la fois usés par leurs luttes internes et externes, et un peu trop dispersés dans leurs compositions, même si cela débouche parfois sur quelques surprises, comme ce "Ozone Mama" semblant tout droit sorti du répertoire de Jamiroquai. Malgré tout, il semble indispensable que les deux frères terribles prennent le temps de se poser pour mettre de l'ordre dans la maison Black Crowes avant que cela devienne du grand n'importe quoi et que le groupe y perde son âme.