Barry Cleveland nous revient après 6 ans d’absence chez Moonjune Records avec "Hologramatron", un album présenté comme une protestation du XXIème siècle contenant des chansons mordantes, parfois brutales, en forme de commentaires sur l'état du monde occidental (les samples de discours politiques forment le squelette de "Warning", théâtre d’élucubrations guitaristiques) : une réponse musicale aux réalités contemporaines sociales, politiques et même spirituelles. Entre rock des origines, psychédélisme, métal, ambiant et world music, trance et funk, cet album ose sortir des sentiers battus.
Le carnet d’adresse de Cleveland étant assez chargé, les invités de marque de la scène Rock avant-gardiste fusent : le bassiste Michael Manring, qui pose une superbe ligne de basse sur un "Lake Of Fire" revendicatif, le batteur et percussionniste Celso Alberti (Steve Winwood), la pédal-steel de Robert Powell (Peter Gabriel, Jackson Browne), les chanteuses Amy X Neuburg et Deborah Holland (Stanley Clarke, Stewart Copeland) et le vocaliste Harry Manx.
Garni de deux reprises, totalement incongrues dans ce contexte, avec "What Have They Done To The Rain ?", hymne anti-nucléaire de Malvina Reynolds qui débute tel un hit de Mike Brant, et "Telstar" de Joe Meek, titre très coloré entre Fantasy Zone et Brasilia Carnaval, l’album comprend également des remix et versions alternatives peu passionnants de trois titres proposés plus avant sur le CD.
Alors que ses premiers albums sonnaient plus ambiant et impressionnistes, et que "Volcano" explorait une version fusion de la World Music, "Hologramatron" développe plusieurs univers musicaux simultanément. Et le moins que l’on puisse dire est que cette musique reste parfois assez difficile d’accès, presque étanche. De nombreux titres nécessitent plusieurs écoutes si l’on souhaite en dégager et mémoriser une certaine unité, un fil conducteur.
Les musiciens et fans de guitare ont pourtant de quoi se régaler. Usant allègrement de la 6 et 12 cordes, Cleveland utilise également un prototype de la Moog Guitar (sorte de mix entre une guitare midi et une guitare synthé) ainsi que des guitarviole acoustiques et électriques (que l’on joue avec un archet). Ajoutez à cela des myriades d’effets et vous êtes, à moins de vous y connaître, complètement perdu !
En dehors des deux reprises « ovnis », deux types de morceaux peuvent être dégagés ici. Les titres mordants et inquisiteurs tels "Lake Of Fire" et le plus léger "Money Speaks" (tous deux portés par un chant féminin), et les autres, tout en ambiance, dans lesquels le son des instruments précités est le véritable fil d’Ariane. Pour peu que l’on s’intéresse aux guitares, ils se révèlent vite fort attrayants comme "You’ll Just Have To See It To Believe", apaisant comme un Peter Gabriel sait le faire ou "Stars Of Sayulita" et "Suicide Train", chantés par Harry Manx. Le premier se résume à 6 minutes de touché divin et interventions lumineuses, alors que le second rappelle les premiers Pink Floyd. "Abandonned Mines" se veut quant à lui un digne représentant de la « relaxation de luxe », incontournable !
Voilà donc un album très ambitieux mais à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Cleveland y repousse encore les frontières de l’expérimentation et y propose, par-dessus tout, sa vision très personnelle de la société au point que l’on a parfois, sur quelques titres, l’impression de lui « violer » une certaine intimité. Certains crieront au génie, d’autres au scandale. Faites vos jeux, rien ne va plus !