Rien n’est jamais terminé. Ce n’est pas Y & T qui dira le contraire. Entamant sa carrière au milieu des années 70 sous le patronyme de Yesterday and Today, le groupe californien connait son heure de gloire lors de la décennie suivante avec une triplette d’albums légendaires (Earthskaker, Black Tiger et Mean Streak) qui lui permettent d’imposer son hard rock plein de feeling ni glam ni outrageux, avant de tout doucement décliner en choisissant de ramollir sa musique. En 1991, c’est la séparation, suivie de deux reformations, la première en 1995, éphémère et sans grand éclat, la seconde en 2001, matérialisée depuis par plusieurs tournées, des recueils de morceaux rares et un Dvd.
Le groupe a tout connu, le succès, l’indifférence et désormais, à l’image de nombre d’autres formations de classic-rock, la fin du purgatoire en bénéficiant de l’intérêt mâtiné de nostalgie pour les dinosaures chez les fans du vieux continent notamment. Ce que l'on peut comprendre, car on en vient parfois à regretter cette époque lointaine où étaient privilégiées les bonnes mélodies, le son propre, les constructions simples. C’est pourquoi nous attendions, sans plus trop y croire, un nouvel opus des Américains. Les concerts, c’est bien, mais nous commencions à avoir soif de nouvelles compositions.
Première galette depuis le sinistre Endangered Species (1997), Facemelter vient donc enfin combler ce vide discographique. Malgré la qualité des performances scéniques offertes par les musiciens et le talent intact du grand Dave Meniketti (chant, guitare), cette douzième cuvée est-elle pour autant à la hauteur des attentes ? La pochette, d’une laideur indigne du groupe, et la banalité des noms de certaines chansons ("Wild Child", "If You Want Me"…) ne sont heureusement pas révélatrices de la teneur de celles-ci. Inutile de tourner autour du pot plus longtemps : Facemelter se pose comme ce que Y & T a livré de plus convaincant depuis très longtemps. Depuis Ten ? Certainement. Depuis Mean Streak ? Peut-être bien. Dès l’efficace "On With The Show", que précède une intro comme au temps de Black Tiger avec "From The Moon" et "Open Fire", les poils se dressent sur les bras. Chanteur et guitariste mésestimé, Meniketti y apparaît plus en forme que jamais. Son solo vitaminé est superbe et digne de l’apogée de son groupe.
Quasiment tous les titres sont des hymnes potentiels, riches de refrains à chantonner sous la douche pour ceux qui se lavent, de mélodies aux petits oignons et de soli racés gorgés de chaleur et de feeling. Comment résister à des perles telles que "How Long", au rythme plutôt lourd, "Shine On", "Wild Child", le dynamique "I’m Coming Home", le véloce "Blind Patriot". Les tempos assez lents sont superbes, comme le démontrent "Don’t Bring Me Down", "Gonna Go Blind", émaillé par les interventions chatoyantes du guitariste, ou bien "Losing My Mind". Comme toujours, l'exploration d'un registre plus émotionnel, exercice qui a toujours réussi au groupe, est rare mais bon, incarné par "If You Want Me".
Toutefois, en dépit de la très bonne tenue de Facemelter, il est cependant permis de douter qu’il suffise à ses auteurs pour renouer avec le succès d’antan. En Europe peut-être, mais sur leur territoire, c’est moins probable. Aujourd’hui, cette musique ne fait plus recette là-bas. Qu’importe: fort d’un line-up solide, soudé et qui prend un évident plaisir à jouer, Y & T se fend de l’album que les fans espéraient : du grand hard rock, légèrement bluesy, enrichi de cette touche si particulière, qui doit beaucoup à la voix chaleureuse et reconnaissable entre mille de son meneur d'hommes. Un retour dans les bacs réussi.