Levi et Werstler sont les deux guitaristes du groupe américain Daath qui œuvre dans un registre death. Magna Carta, ancien label à la pointe du progressif, édite l’album instrumental des deux compères dans lequel viennent jouer Sean Reinert (Cynic) à la batterie, Kevin Scott à la basse et Eric Guenther aux claviers. Les musiciens issus de groupe, et encore plus les guitaristes, sont rarement enclins à entamer leur narcissisme quand ils décident de s’engager sur un album solo. Ce Avalanche Of Worms est donc atypique avant même son écoute.
Douze titres et un peu plus de quarante minutes de musique sont au programme. Suivez le guide.
En parfait ignorant de la musique de Daath, cet opuscule est un grand saut dans l’inconnu pour votre serviteur. Les premières minutes sont difficiles à appréhender car un certain chaos règne sur ce disque. Quelques références viennent à l’esprit comme le dernier chef d’œuvre de Ihsahn dans lequel la guitare prend une place très importante mais qui demande pas mal de souffrance avant d’y prendre du plaisir. Fort de cette comparaison, Avalanche Of Worms gagne un peu plus de crédit dans la persévérance que l’on met à l’écouter. Et cela paie dès le même premier morceau qui avait plutôt mal engagé l’album. "Noxious Vermin, My Friend" est une déferlante de saturation et de rythmiques assenées avec hargne par Reinert. Mais une mélodie délicieuse se dessine et émerge au milieu de la laideur marquée du sceau de la violence. Outre les quelques passages presque néoclassiques, c’est vers le milieu du morceau que la magie opère avec des dissonances qui donnent une vraie couleur au morceau et un visage bien plus plaisant. "Casting The Molten Sea" fonctionne un peu sous ce principe.
Un morceau comme "Dura Mater" incarne ce qui se fait de plus touffu dans cet album. Les séquences rapides sont secondées par des passages très lourds sans temps mort. Les notes jazz en son clair de "Obsidian Fissure" donnent un peu d’air avant le retour des saturations poussées au maximum. Les deux comparses arrivent même à sonner progressif avec l’excellent "In Amethyst, Though Moldavite".
"Treillis Of Thorns" et "Chrysalis Wound" sont deux des quatre interludes qui viennent aérer l’album par des séquences en sons clairs ou des passages atmosphériques et rythmiques. De manière générale, ce sont les ambiances dépressives et noires qui hantent Avalanche Of Worms. Le meilleur exemple en est "Architectural Necrosis" qui donne la chair de poule, mais avec lequel on se laisse prendre par le scénario glauque de ce court métrage sonore. Sans trop faire étalage de leur technique, Levi et Werstler convainquent l’auditeur qu’ils ne sont pas des amateurs. On a parfois du mal à discerner les parties de chacun et c’est un autre indicateur de la bonne cohésion du duo. Enfin, Sean Reinert est impérial derrière son kit.
C’est dans une certaine douleur que se fait l’écoute de Avalanche Of Worms, habitués que nous sommes à des albums instrumentaux plus légers et éthérés. Avalanche Of Worms est à l’image des deux guitaristes qui l’ont composé, très puissant et terriblement dense. Les titres des compositions sont aussi torturés que le contenu. Il va sans dire que cet album demande de nombreuses écoutes avant de se faire un avis crédible. Bien qu’il soit de durée raisonnable, il n’y a guère que les amateurs de musique extrême qui puissent se l’enquiller d’une traite. Pour les autres, quelques prélèvements de-ci de-là seront plus envisageables. Il reste néanmoins un album intéressant et assez original qui prendra une place particulière parmi vos références guitaristiques de haut-vol.