Vonassi, trio américain formé en 2007, propose avec The Battle Of Ego son premier album, ancré dans au moins trois esthétiques musicales bien distinctes : l’AOR, la pop et le rock progressif. Ce mélange des genres, qui fera frémir les puristes et ravira - du moins sur le papier - les amateurs de curiosités, serait, à en croire la page Myspace du groupe, l’une des plus enthousiasmantes déclinaisons du «rock progressif d’aujourd’hui». Force est de constater, à l’aune de cette audacieuse autocélébration, que le genre susmentionné a donc bien du souci à se faire quant à la qualité de ses représentants ! Car The Battle Of Ego est loin, très loin des ambitions revendiquées.
Reconnaissons tout de même que le groupe délivre un propos musical cohérent, efficace, extrêmement ramassé (le format des morceaux n’excédant jamais les 5 minutes, hormis le dernier titre) mais néanmoins riche d’une diversité qui ne doit rien au dispositif instrumental, des plus classique, et beaucoup plus à la multiplicité des climats. Si l’alternance de phases musclées à base de riffs et de phases plus mélodieuses portées par les arpèges de guitare ou des accords grattés s’avère rapidement systématique, la recette, pour simpliste qu’elle soit, n’en reste pas moins agréable. Le chant de Chase Carter, qui évoque par instants celui de Geoff Tate (Queensrÿche), lorgne bien souvent, par son timbre chaud et clair dénué de toute aspérité, du côté de la pop. Ces quelques éléments ainsi combinés, auxquels nous ajouterons des soli mélodiques et des claviers confinés dans un rôle essentiellement texturel, ne favorisent pas la création de pièces témoignant d’une grande originalité.
A vrai dire, les seuls moments ne relevant pas d’une immédiateté d’approche, avec laquelle le rock prog n’a que rarement fait bon ménage, sont les ponts instrumentaux ; et le seul instrument à jouer un rôle authentiquement progressif dans l’affaire est sans nul doute la basse, tenue par Vince Buonassi, capable avec son jeu à la fois rythmique et mélodique de retenir l’attention de l’auditeur lors de couplets acoustiques parfois laborieux. Notons également la présence bienvenue d’une suite de 8 minutes 40, formée de trois morceaux : Posing For The Cold, courte chanson qui vaut principalement pour ses refrains et le jeu de basse dans le deuxième couplet ; The Battle Of Ego, instrumentalement plus ambitieuse mais toujours assujettie à une structure couplet/refrain que contribue à rompre l’enchaînement avec Authenticity, qui après un court interlude basse/piano se prolonge sur un riff rentre-dedans prétexte, sitôt passé la partie chantée, à une jouissive passe d’armes instrumentale au cours de laquelle les trois musiciens atteignent un niveau de jeu et d’écriture (un riff en 7/4 au premier abord déconcertant) qu’il est regrettable de ne pas retrouver sur l’ensemble du disque.
Pour le reste, seule une énergie communicative et la présence de quelques signatures rythmiques plus élaborées (le riff d’ouverture de The Drudge, alternance de 4/4 et de 5/4), auxquelles nous ajouterons la basse joliment funky (quoique sous influence directe des Red Hot) de Field Of View, sauvent The Battle Of Ego du désastre. Signalons également et enfin Coiled, qui tirant bellement parti de sa longueur plus conséquente, mêle allègrement binaire, ternaire, tension rythmique vers le chabada au détour d’un riff plus swinguant, et se paye le luxe d’un final instrumental de 3 minutes qui emprunte sa puissance et sa (relative) virtuosité au métal progressif.
Au final, The Battle Of Ego est loin de se montrer complètement convaincant ; tout à sa volonté manifeste de moderniser le rock progressif, le trio semble avoir oublié qu’efficacité n’est pas nécessairement séduction, et que céder à la facilité, tant du point de vue des mélodies que des structures, n’engendre que rarement un bon album. Dommage, car Vonassi avait certainement le potentiel nécessaire pour trouver l’équilibre optimal entre accessibilité et inventivité. Gageons que le prochain disque saura rectifier le tir…