Un an seulement après Disappearance, Copernicus revient sur le devant de la scène avec Nothing Exists. Renseignements pris, il ne s’agit cependant que de la réédition de son premier album datant de 1985. Je crois pouvoir affirmer sans trop m’avancer être l’un des rares membres de la rédaction à avoir globalement apprécié le précédent album, et c’est donc avec curiosité qu’a commencé l’écoute de cet opus. Elle s’est malheureusement conclue dans un état d’esprit beaucoup plus circonspect…
Le premier titre ouvre l’album sur un tempo lent, indubitablement reggae, qui sert de support à la déclamation d’un texte d’une valeur poétique discutable (« I see your name in my head. (…) Kiss me, Kiss me, Kiss me… »). Le tout est fort sympathique, mais ne va pas chercher bien loin, les codes du genre étant scrupuleusement respectés. Après ce premier contact décevant, Copernicus nous propose quelques morceaux nettement plus expérimentaux qui ne manquent pas d’intérêt. Blood présente une lente progression depuis la déstructuration totale jusqu’à la mise en place d’une rythmique rassurante, qui ne survivra cependant que peu de temps aux assauts répétés du piano, de la guitare puis de la batterie elle-même : structure libre, improvisée, formes mouvantes et autonomes les unes des autres… revoilà le Copernicus inventif que nous connaissons. Let Me Rest, plus proche de la musique classique que du jazz, ne serait-ce que dans son instrumentation, débute calmement avec violon et claviers, sans que la recherche de dissonance n’apparaisse trop artificielle. A contrario, artificielle semble la voix, qui à trop user de la théâtralité finit par faire franchement sourire. Le reste du morceau se partage entre ambiances minimalistes et interventions sporadiques du piano ou de la guitare, engagés dans une démarche d’expérimentation sonore assez excitante.
Les morceaux plus électriques, tels I Know What I Think et Nagasaki, évoluent entre rock, bruitisme, et free jazz. Le premier superpose des couches de dissonance sur un rythme de batterie tout ce qu’il y a de plus lourdingue, tandis que le second se singularise surtout par des effets électroniques dont il sera compliqué de louer la subtilité. Quant au titre qui referme l’album, Atomic Nevermore, il se passe complètement de structure : la voix de Copernicus, toujours aussi théâtrale (mais reconnaissons que le bonhomme sait y faire !) semble engendrer l’apparition anarchique de sons, d’éléments rythmiques, de fragments harmoniques autonomes qui, ainsi agrégés, composent une dynamique chaotique passionnante.
Malgré quelques séquences musicales intéressantes, Nothing Exists ne présentera qu’un intérêt limité pour le commun des mortels. Cet album répond certainement à des problématiques musicologiques et philosophiques captivantes, mais son auteur semble avoir oublié que le rôle de l’avant-garde est, au-delà de l’expérimentation pure, de transmettre des questionnements qui restent accessibles en dehors d'une poignée d’initiés. Ces derniers apprécieront sans doute un album qui ne manquera pas d'interpeller les autres, quand bien même la clé de décryptage resterait-elle introuvable. A cet égard, l’écoute de Nothing Exists est à coup sûr une expérience ; mais il n’est pas certain qu’elle vaille le coup d’être faite.