Si les débuts de Dio en solo furent remarquables, prouvant ainsi à ceux qui en doutaient qu’il pouvait exister avec succès sans avoir besoin d’un Ritchie Blackmore ou d’un Tony Iommi, la seconde moitié des années 80 témoigne déjà d’une baisse de régime, notamment incarnée par l’inégal Dream Evil en 1987.
C’est dans ce contexte qu’est enfanté Lock Up The Wolves, conçu pour remettre le groupe sur de bons rails. Pour cela, le lutin entreprend le grand ménage de printemps et recrute une toute nouvelle équipe autour de sa personne. Davantage que l’ancien batteur d’AC/DC, Simon Wright et le claviériste et ex Yngwie Malmsteen (et futur Stratovarius !) Jens Johansson, c’est surtout l’embauche d’un jeune inconnu pour tenir le poste Ô combien déterminant de guitariste, Rowan Robertson que Dio présente comme le nouveau Vivian Campbell, qui retient l’attention.
Or contre tout-attente, puisque annoncé comme un retour aux sources, ce cinquième album n’est pourtant pas à la hauteur des espoirs placés en lui. Loin, très loin de la flamboyance de Holy Diver et The Last In Line, il peut se résumer en une collection de morceaux au mieux assez lourds, au pire, paresseux et sans folie. "Wild One" démarre pourtant le programme sur les chapeaux de roue comme le veut la tradition, laissant ainsi espérer un réveil de la réussite d'antan. Suit le sabbathien "Born On The Sun", perle méconnue du répertoire du groupe, où la frappe lourde de Wright imprime un tempo ultra pesant.
Malheureusement, la suite n’est pas du même tonneau, alternant chansons poussives ("Hey Angel", pas désagréable toutefois, "Night Music") et pièces lentes et heavy, néanmoins un peu plus convaincantes telles que le lancinant "Between Two Worlds", le titre éponyme long de plus de huit minutes ou l'émotionnel "My Eyes". Déséquilibré, Lock Up The Wolves aligne donc quelques bonnes compositions, malgré tout tombées dans les oubliettes de la mémoire, et qui voisinent regrettablement avec d’autres bien trop banales ("Walk On Water", "Twisted") eu égard au talent de sa charismatique figure de proue.
Ceci dit, l’interprétation ne saurait susciter la moindre réserve si ce n’est peut-être la discrétion, pour ne pas dire l’absence, de Johansson, étonnamment sage. Dio vocalise merveilleusement comme il l’a toujours fait et le fera toujours, tandis de la jeune recrue s’en sort avec les honneurs sans pour autant faire oublier Vivian Campbell.
Echec artistique autant que commercial, Lock Up The Wolves, alors qu’il aurait dû freiner l’érosion de la popularité de son leader, ne fera en fait que la renforcer encore davantage. Son projet coincé dans une impasse, on comprend alors aisément pourquoi Ronnie acceptera peu après l’invitation faite par ses anciens employeurs pour retourner temporairement sein d’un Black Sabbath lui aussi en pleine déroute, cette réunion devant pour chacune des parties en présence permettre de renouer avec un succès après lequel elles courent alors depuis quelques années…