Seulement deux ans après un Hæretichristus qui avait fait parler de lui dans les sphères BM d'Europe et d'ailleurs, les transalpins de Nefarium nous reviennent avec un troisième album qui ne dépareille aucunement au sein de leur discographie. Au programme, du blast, du blast et encore du blast... En effet, le quartet italien pratique un Black Metal tout ce qu'il y a de plus extrême. Omniprésence du Malin, textes blasphématoires au dernier degré, corpsepaint et pseudonymes barbares, riffs de guerrier et batteur-mitraillette à 250 BPM, tous les ingrédients sont réunis pour passer un moment parfaitement bucolique.
Thématiquement, l'album est fidèle à ses prédécesseurs : quasiment conceptuel, il s'attaque cette fois aux supposés disciples du Dragon rouge, chaque piste étant dédiée à une figure biblique importante, évidemment pervertie dès le titre du morceau, puis sciemment souillée par des textes que la décence m'interdit de reproduire dans cette chronique. Les connaisseurs sauront de toute façon trier le bon grain de l'ivraie, et constateront d'eux-mêmes que la démarche, citations latines à l'appui, n'est pas simplement folklorique et rappelle par sa relative érudition les prouesses de Behemoth sur ce point.
Musicalement, l'ambiance n'est pas non plus aux champs de coquelicots. Saisi à la gorge dès les premières secondes par un riff sauvage, l'auditeur n'aura guère le temps d'aller aux champignons par la suite : très énervés, les musiciens de Nefarium le sont, et s'évertuent à le montrer tout au long de l'album. La cadence littéralement infernale de celui-ci est déjà un premier gage de qualité : techniquement, voilà un groupe en pleine possession de ses moyens, et même en pleine possession tout court, tant l'énergie véhiculée est perceptible. Une véritable transe, électrique et sacerdotale ! L'arrivée de Garghuf (ex-Gorgoroth, Enthroned) aux fûts n'est à ce propos certainement pas étrangère à ce regain d'intensité. Au rayon des invités, mentionnons également la présence d'Archaon, prestigieux guitariste de 1349, un des monstres sacrés du true black métal norvégien. On ne se refuse rien !
Toutefois, Nefarium, ce n'est pas seulement une débauche primaire de rythmes à se déboîter les cervicales, mais aussi une certaine subtilité, un parfum de heavy (le riff central du dernier morceau par exemple) et des relents mélodiques qui n'appartiennent qu'à eux ("Hands Bleeding Fear"). Ayant la sagesse de ne pas aller chercher des monstres sacrés comme Enslaved ou Emperor sur leurs propres terrains, les Italiens préfèrent prudemment développer un style finalement très personnel, ce qui n'est pas une mince affaire tant les codes du BM sont gravés dans la pierre depuis les origines. Ainsi, les atmosphères prennent le temps de se construire, et l'ajout de sonorités atypiques (instruments ou samples) parachève une formule réellement redoutable. La grosse claque s'intitule "Servus Servorum Satanæ", un hymne carrément dédié au Pape, qui doit depuis avoir les oreilles qui sifflent. Après un riff d'introduction titanesque, un violon geignard et délicieusement malsain vient s'immiscer, annonçant un déluge de feu et de fer, épique à souhait, au sein duquel les vocalises gutturales en Diable de Carnifex font surface pour achever les blessés. Monstrueux... monstrueusement bon ! La production, sans être irréprochable (une batterie un peu en retrait, et au son un peu trop clair par moments), ne souffre d'aucun problème majeur et brille même par sa qualité sur certains points, comme le son de guitares, sale et puissant, comme il se doit. Le chant lui aussi est magnifiquement enregistré, et demeure incroyablement profond et puissant au fil de l'écoute.
Au top de sa forme, Nefarium poursuit sur sa lancée en mettant vraiment du cœur à l'ouvrage, et ça se sent ! Ce disque transpire une sainte passion pour l'art pratiqué, un vrai dévouement et le goût du travail bien fait. La crainte de compositions prématurées se faisait sentir, compte tenu du si bref délai depuis la sortie précédente, mais autant vous le dire clairement, Ad Discipulum aura tôt fait de la dissiper. Les fans ne seront pas déçus, et les amateurs du genre qui ne jureraient (et on les comprend) que par les productions scandinaves devraient se laisser aller à l'expérience méditerranéenne... Ils seront (littéralement ?) aux anges !