Malgré ses qualités, "QRIII" n'a pas été un succès commercial et les tensions se sont développées au sein du groupe, d'autant que Kevin DuBrow est du genre ingérable. Lassés, Carlos Cavazo et Frankie Banali finissent par craquer et virent tout simplement le chanteur de son propre groupe, alors que le bassiste Chuck Wright subit le même sort. Ce sont donc le vocaliste Paul Shortino (Rough Cutt) et le bassiste Sean McNabb (House Of Lords) qui prennent la relève pour ce qui pourrait être l'album de la dernière chance.
Pourtant, il va falloir une véritable ouverture d'esprit aux fans du combo pour s'approprier ce "QR" qui rompt profondément avec ce que le groupe avait pu offrir jusque-là. Fini le glam US porté par la voix nasillarde de DuBrow. Cavazo et Banali proposent désormais un Hard-Rock racé aux profondes racines bluesy, magnifié par l'organe chaud et puissant d'un Paul Shortino qui s'affirme comme l'un des meilleurs vocalistes du circuit. Les claviers se font un peu plus discrets que sur "QRIII" mais paradoxalement, leur rôle y est encore plus incontournable. En effet, même s'il n'est pas crédité comme membre à part entière du groupe, Jimmy Waldo s'est investi dans la composition de la plupart des titres, et ses interventions leurs donnent un cachet supplémentaire, que cela soit sous forme de nappes renforçant l'émotion comme sur la superbe ballade "Run To You" touchante de simplicité, de gros orgues Hammond étoffant le puissant et enjôleur "Stay With Me Tonight", ou d'interventions dignes de Jon Lord sur le riff entraînant et sexy d'un "Empty Promises" que n'aurait pas renié Whitesnake.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Quiet Riot réussi parfaitement sa métamorphose et nous propose ainsi 11 titres d'une qualité que nous n'espérions pas (plus) de ce groupe engoncé dans la recherche du succès à tout prix. La voix éraillée de Shortino fait des merveilles et renforce le côté bluesy de compositions variées et s'enchaînant de façon cohérente alors que les moments forts ne manquent pas. L'accrocheur "Callin' The Shot" au refrain euphorisant et l'hyper entraînant "King Of The Hill" sont dotés de breaks irrésistibles, alors que "The Joker" vous éclate au visage avec son riff groovy. Après l'aérien et instrumental "Lunar Obsession" sur lequel Cavazo fait montre de tout son feeling et de toute sa technique, le mid-tempo "Don't Wanna Be Your Fool" vient vous effleurer avec son émotion à fleur de peau, alors que le catchy "Coppin' A Feel" et le cinglant "In A Rush" vous remettent debout en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Aussi surprenant soit-il, "QR" et sa belle pochette (ça nous change de l'homme au masque de fer…) s'impose comme le meilleur album de Quiet Riot, ni plus ni moins ! Cavazo et Banali y semblent enfin épanouis et prouvent leurs qualités de compositeurs et d'instrumentistes, alors que le monde du Hard Rock y découvre un chanteur époustouflant de classe, de feeling et de technique. Si vous étiez amateurs du glam que le combo nous servait jusque-là, rien ne vous empêchera de déguster ce nouvel album. Quant aux autres, oubliez vos réticences et jetez-vous sur un de ces albums rares réunissant puissance, dynamisme et émotions !